13ème
Dimanche du T.O. 17/A
“Celui
qui aime son père, sa mère…, son fils, sa fille…, plus que moi n’est pas digne
de moi !”.
Jésus nous demande-t-il de tenir
pour négligeables nos relations humaines ? Exige-t-il que l’on tourne le
dos au bonheur et à la joie de nos relations familiales, amicales ?
Certains l’ont cru. Et ils ont
inventé une spiritualité “de massacre”, si je puis dire. Quelques-uns - cela
est arrivé - se sont laissés détruire en croyant plaire à Dieu ! Et il
n’est pas étonnant que ces caricatures d’évangile aient engendré des refus de
la foi.
De plus, Jésus ne serait pas fils
d’Israël s’il n’aimait pas la vie ! Tout le message de la première
Alliance est une immense action de grtâce adressée à Dieu pour le don de la
création, de la vie, pour ce qu'elle peut procurer ! La première lecture en
témoigne. Elle exalte l'hospitalité, l'accueil de l'autre : elle chante la vie,
la vie d'un enfant à naître !
Ainsi donc, Jésus ne nous reproche
pas d’aimer trop ; mais peut-être peut-il nous reprocher d’aimer mal et
d’abîmer ainsi ceux que nous croyons aimer. Je pense à cette boutade de
Prévert, ce poète français du dernier siècle (1900-1977) : “Tu dis que tu aimes les fleurs, tu les
coupes. Tu dis que tu aimes les poissons, tu les manges. Tu dis que tu aimes
les oiseaux, tu les mets en cage. Lorsque tu me dis : “je t’aime”, j’ai
peur”..
Ainsi, préférer le Christ à tout, ne
serait-ce pas plutôt porter nos liens humains dans le cœur de Dieu pour qu’il
les purifie. Tout amour n’est pas de l’amour. Et en ce domaine, il faut voir
grand : “Aimez-vous comme je vous ai
aimés”, disait Jésus. Autrement dit : il nous faut aimer comme Dieu aime !
Et pour cela, il faut toujours revenir
aux pages d’évangile :
- Aimer ce sera d’abord un
certain regard : “Jésus le
regarda et l’aima”, est-t-dit au sujet du jeune homme riche (Mc 10.21). Jésus
voit toujours un diamant dans sa gangue. Il voit déjà un arbre unique lové dans
sa petite graine vulnérable.
- Aimer, ce sera toujours accepter
que l’autre marche à son rythme, se réjouir de sa différence, respecter sa
liberté. Jésus agit ainsi avec chacun des apôtres si différents les uns des
autres, comme avec le jeune homme riche. Il respecte…
- Aimer, c’est s’abstenir
d’enfermer quelqu’un en son passé. On ne le confond pas avec son casier
judiciaire. Si le passé de tout homme quel qu’il soit - et d’abord le mien -
n’est jamais sans tache, son avenir est toujours vierge. Ainsi de l’adultère
jetée au jugement de Jésus ou de la prostituée chez Simon. Ainsi de Zachée ou
du truand du Golgotha et de bien d’autres..., de bien d'autres.
- Aimer, c’est rendre toutes ses
chances à l’ami qui a trahi. On ne lui parle même pas de ce qu’il a fait.
On l’invite à brûler d’un feu plus fort : “Pierre, m’aimes-tu ?”, demandera Jésus à Pierre qui a trahi !
- Aimer, c’est être “ému jusqu’aux entrailles” devant
un blessé sur la route, comme nous y invite Jésus à propos du Samaritain que
l'on a agressé sur la route de Jéricho, et même signer encore un chèque en
blanc pour ses frais de guérison.
- Aimer, ce sera accueillir le
fils parti en cavale et qui a déshonoré la famille par sa conduite. On fera
même un grand repas pour son retour. Et on ne criera pas, par exemple : “Quand je pense que tu as tant fait pleurer
ta mère !”.
- Aimer, ce sera faire demi-tour sur
le chemin du temple, abandonnant son paquet d’offrandes et de prières parce que
soudain on s’est souvenu que l’être aimé se sent peut-être mal aimé et
qu’il faudrait vite, tout affaire cessante, aller humblement le trouver.
- Aimer, c’est être comme votre Père
du ciel, lui qui offre autant de soleil et de pluie au jardin des athées qu’au
jardin des chrétiens. Ce que le soleil et la pluie sont aux plantes, soyez-le
pour votre prochain, qu’il soit une rose ou un cactus. Aimer, c’est d’abord
faire exister.
-
Aimer, c’est aussi, parfois, dire “non” devant un caprice, un dérapage
important. C’est ainsi que Simon-Pierre s’est vu un jour traiter de
“Satan” !
Il
faudrait une immense bibliothèque pour décliner sur tous les modes et temps, la
vie même de Jésus qui est Dieu-Amour incarné. C’est la seule réalité qui
compte.
Le
reste, tout le reste de de la création - les galaxies et les planètes, la
morale et même les religions, tout - … tout doit converger vers ce miracle
de l’Amour manifesté en Jésus Christ.
Un
atome d’amour justifie le monde.
Alors,
devant la pénurie d’amour, Jésus lance ses appels.
Et,
en ce domaine, dit-il aujourd’hui, méfiez-vous de vos proches. Ils vous
veulent, parfois, trop de bien pour qu’il soit réaliste, vrai. Ils cherchent
votre sécurité immédiate et pas toujours votre chemin d’éternité.
Un
chrétien doit être est un merveilleux messager d'amour lorsqu’il laisse Dieu-Amour
se refléter en lui. Sinon il y a risque de fortes ou longues éclipses. Car
l’amour à taille humaine est parfois si bizarre, si déconcertant pour l'être
que l'on dit aimé : un jour adoré et le lendemain jeté !
Et
ce n’est pas un aigri ombrageux qui parle ainsi : c’est le plus amoureux
de la vie. Il l’aime tellement, la vie, Jésus, qu’il l’a inventée. Et il la
veut pour tous, sans distinction.
Aussi
répète-t-il : “Je suis venu pour que
vous ayez en vous la vie en plénitude…, la joie, ma joie en plénitude”.
Et,
en ce domaine, il a donné un exemple : ce n’est pas parce que l’on donne
trop que l’on est fatigué. C’est au contraire parce que l’on a pas tout donné. Et
ce qui n’est pas donné est perdu !
St
Paul n’était pas triste de se donner pour Jésus et pour l’Evangile. Après avoir
parlé, par exemple, des mille et un dangers traversés (prison, coups,
blessures, lynchages, naufrages, et le pire gardé pour la fin : les “faux
frères”) ..., après tout cela, Paul exulte, il jubile : “La légère épreuve de cette vie, dira-t-il, nous prépare, bien au-delà de toute mesure, une masse éternelle de
bonheur et de gloire”. (2 Cor 4/11). Paul donne tout par amour !
C’est le même qui disait : “Si je me
fais brûler à y laisser ma vie, sans être motivé par l’amour, c’est du
vent !”. Et comme il le dit aujourd’hui : il était bien vivant pour
Dieu en Jésus Christ.
Deux
images peuvent résumer ce que Jésus a cherché à nous dire dans son Evangile. “Le blé, disait St Dominique, s’abîme quand on le garde. Il fructifie
lorsqu’on le sème”.
Et
le cierge qui brûle sur cet autel nous dit de façon claire, évidente, qu’il lui
est préférable d’échanger sa cire contre une flamme - même éphémère - plutôt
que de se garder intact au fond d’un tiroir.
Le don de soi n’est pas la mort de la joie, il en est
la source.
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