14ème Dimanche du T.O. 17/A
On
pourrait être un peu choqué par certaines paroles tranchantes de Notre
Seigneur : Jésus semble se réjouir à l'idée que la connaissance de Dieu
soit cachée à certains ! - “Père,
dit-il, ce que tu as caché aux sages
et aux savants, tu l'as révélé aux tout-petits”. Ceux qui, parmi nous,
se rangent du côté des “tout-petits” s'en trouveront bien ; mais les autres ?
Que je sache, ce n'est pas un pêché d'être sage ou savant !
Il
faut dire cependant que le chapitre 11ème de l’évangile selon St
Matthieu veut souligner la grande difficulté de la prédication de Jésus,
de toute prédication, celle des apôtres et la nôtre aussi !
Jésus
a rencontré l'incrédulité.
-
Il a envoyé ses disciples en mission, leur annonçant : “vous serez comme des brebis au milieu des
loups”. (Mth
19.16)
-
Il a aussi regretté que des villes ne se convertissent pas : Corozaïm,
Bethsaïde et même Capharnaüm, la ville de Pierre. (Mth11.20sv)
-
Il a perçu l'hostilité des scribes devant ses paroles... Et justement, les
scribes, ce sont bien les “savants” de l'époque !
Alors
que son chemin est déjà marqué d'échecs apparents, et que ce chemin va le
conduire jusqu'à la croix, Jésus éprouve un sentiment de reconnaissance,
d’action de grâces parce que des hommes et des femmes, ceux qu'il nomme les
“tout-petits”, acceptent d'être atteints, transformés par sa présence !
Il
n'empêche, ni vous
ni moi, je pense, nous ne pouvons nous réjouir de ce que certains - comme les
sages ou les savants - restent à l'écart.
Mais
avons-nous bien compris ?
Car, à la suite de notre évangile, il est question justement de
connaissance..., de vraie connaissance. Jésus dit : “Personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne
connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler”.
Ainsi,,
en Dieu lui-même, il ne peut être question d’un pur savoir, mais d’une connaissance
de personne à personne : Père, Fils, Esprit-Saint !
Autrement
dit, avec Dieu, l'histoire que nous tissons ne peut être qu'une histoire
d'amour ! "Dieu est Amour",
répétera St Jean.
Avec
toute personne, avec Dieu surtout, lorsqu'il est question de connaissance, il
ne s'agit pas d’une connaissance qu’atteste un examen. Ce qui est premier,
c'est la connaissance - comment dire ? - une connaissance qui est comme la
“fréquentation” de quelqu'un qu'on aime bien et qu'on ne finit pas de
découvrir, de connaître.
C’est
comme une personne à laquelle me lie une grande affection (un père, une mère,
un enfant, un ami).
Elle n'est pas avec moi, elle se trouve au loin. Mais que je me lève ou que je
me couche, que je travaille ou que je circule, cette personne “demeure en moi”.
Connaître Dieu, c'est fréquenter, c'est demeurer, et c'est permettre
que Dieu lui-même fasse sa demeure en nous.
Il
ne s'agit pas de faire de “l'anti-intellectualisme” primaire ! Il est très
bon de faire travailler notre “intelligence de la foi” comme on dit -
"fides quaerens intellectum", disait St Anselme, la foi qui cherche à
comprendre ! ; mais il n’en reste pas moins vrai que l’on n’enferme pas Dieu
dans un savoir, et surtout pas dans des lois !
Et
réjouissons-nous que Dieu reste un mystère. Et un mystère, ce n'est pas quelque
chose que l’on ne comprend pas, c’est une réalité que l’on n’aura jamais fini
de comprendre. Un mystère n’est pas un mur d'incompréhension contre lequel on
se cogne, mais, pour prendre une comparaison, c'est comme dans ce couple âgé
qui fête ses 60 ans de mariage ; et l’un de dire à l’autre avec un petit
air moqueur : “voilà 60 ans qu’on se supporte, et 60 ans que je te découvre” !
“Nul ne connaît le
Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler”, dit Jésus. La Révélation, lorsqu'il
s'agit de Dieu, ce n'est pas une énigme philosophique, mais le mystère d’une
rencontre. Son amour n’est pas l’étincelle provisoire d’une solution
d’énigme ; son amour est la lumière permanente d’une communion !
Je
crois bien que ce qui passionne Dieu, ce n'est pas l'évaluation de notre quotient
intellectuel, mais sa rencontre vraie avec une personne, moi-même, comme je
suis et là où j'en suis !
Et
dans l'Évangile, cela occasionne bien des conflits pour Jésus. Il est souvent
en conflit avec les raisonneurs, les connaisseurs de la loi, parce que ceux-ci
ont tendance à utiliser leur science pour s'emparer de la ptésence de Dieu, l’enfermer,
si je puis dire, dans une savoir, dans des lois ; ce que j’appelle une
“inversion sacrilège” !
Et
ne sourions pas de cela, même si nous n’avons aucun diplôme et que nous ne nous
rangeons pas parmi les intellectuels, les savants. Chaque chrétien – surtout
s’il se veut engagé - peut se demander si, peut-être sans s'en rendre vraiment
compte, il n’a pas tendance à enfermer Dieu dans ses coutumes, son
petit savoir, dans ses manières de penser qui, souvent, veulent
justifier ses manières de faire, et qui deviennent des idéologies impitoyables.
“Mes pensées ne sont pas vos pensées”,
disait Dieu par son prophète Isaïe.
Et
puis, une question qui peut être terrible : On peut donner de son temps,
de son énergie, de ses biens, pour témoigner en
paroisse ou ailleurs. Et c’est très bien, évidemment !
Mais
quelle part consacre-t-on pour s’ouvrir à ceux qui peuvent être considérés
comme des “petits”, par l'éducation, la timidité, et même et
surtout par le poids du péché ? Or, ce sont ces petits que Jésus privilégie
souvent car ils peuvent aspirer à cette communion de personne à personne
avec Dieu !
Ou
encore quelle part consacre-t-on à ceux,
également, que l’on juge réellement comme des “petits” dans le royaume de Dieu,
parce qu'eux-mêmes se montrent trop savants et sages dans le royaume du
monde ! C’est un peu subtil, allez-vous dire. Oui, mais l’orgueil aussi
est toujours très subtil. Et l’on peut devenir véritablement bien petit
parce qu'on s'estime trop grand !
Cependant,
l’évangile nous donne la clef de tout cela : “Venez à moi, vous tous qui peinez. Mon joug est facile à porter, mon
fardeau léger”.
Jésus
nous invite à être solidaires dans l'adversité. “Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples”, cela veut
dire : “si vous vous aimez les uns
les autres, vous vous portez tour à tour, sans distinction ; vous vous
portez les uns les autres, parce que mon amour demeure en vous”
Entrons
dans la joie de Dieu, celle que Jésus manifeste : “Père du ciel et de la terre, tu as révélé ton amour aux petits”
à ceux qui gardent cette humble capacité d’ouverture d’un tout-petit,
qu’ils se montrent savants, pécheurs, ou même très orgueilleux..
Vous
connaissez cette formule : “La vérité
sort de la bouche des enfants ”... Marion, - huit ans -, rencontrait sa grand-mère.
Celle-ci se pique de lui transmettre la foi. “Tu sais, lui dit-elle, nous
sommes tous des enfants de Jésus. Et toi aussi, plus tu avanceras, plus tu
pourras être une enfant de Jésus... ”. Et Marion de répondre avec un sens
inné du mystère pascal : “Oui, mais un
enfant, ça devient grand !”
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