dimanche 27 août 2017

l'Eglise du Christ !

21ème  Dimanche du T.O. 17/A 

Il y a certainement dans notre mentalité moderne comme un oubli et même un rejet de ce qu’est l’Eglise ! Croyez-vous vraiment que le Christ a donné pleins pouvoirs à Pierre, à ses disciples ? “Tout ce que tu auras lié sur terre sera lié dans les cieux”.
              
“Le Pape est le seul homme dont tous les Princes baisent les pieds… Il peut déposer des empereurs… Il peut délier du serment de fidélité les sujets d’un prince tombé dans l’impiété”. Telles étaient les prérogatives revendiquées par le pape Grégoire VII au 11ème siècle. Qu'on se rappelle Canossa où l'empereur Henri IV, en tenue de pénitent, vint implorer le pardon du simple religieux Hildebrand devenu Grégoire VII. -
Il est vrai, à l’opposé, quelques siècles plus tôt, l'empereur Constantin se considérait comme “l'évêque établi par Dieu pour administrer les affaires extérieures”. Et il était perçu comme 1'“égal aux apôtres”, véritable vicaire de Dieu sur la terre.
              
De la théocratie byzantine où l'empereur est régulateur de la “symphonie des pouvoirs” jusqu'à la sécularisation moderne où “le sacré est privé et le privé sacré”, en passant par la chrétienté médiévale où “les régimes politiques doivent obéissance aux lois ecclésiales”, c'est pourtant, encore et toujours, la même Église du Christ qui, selon une belle expression, “va clopin-clopant de ce monde à l'autre monde”.

…"De ce monde à l’autre…!". Tel est bien le mystère paradoxal de l’Eglise, mystère qui la rattache au Christ lui-même, Dieu et homme. Le texte de l’évangile est tout centré sur la question de Jésus : “Pour vous, qui suis-je?” Simon-Pierre répond : “Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant !” Le Seigneur répond : “Heureux es-tu, Simon : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père”.
              
Sommes-nous heureux de confesser le Christ, de découvrir le mystère du Christ, Dieu et homme ?
Sommes-nous heureux de découvrir la figure humaine et divine qui est celle de l’Eglise, Corps du Christ ?
C'est finalement la même question et à propos du Christ et  à propos de l'Eglise.
              
Jésus n'a pas fondé une Église purement spirituelle, ni offert une institution toute humaine. Corps vivant et charnel, elle est soumise aux lois, aux risques de l'incarnation, tentée ou de se confondre avec le monde, ou de s'évader dans un spirituel désincarné.
              
Vers les années 150 après J.-C, un auteur chrétien, dans son livre, “Le Pasteur d’Hermas", imagine une vieille femme portant un petit livre dans ses bras. “Qui est-elle ?" - "C’est l’Eglise", lui fut-il répondu - "Et pourquoi est-elle si âgée ? - Parce qu’elle fut créée avant toutes choses. Voilà pourquoi elle est âgée : c’est pour elle que le monde a été formé”. -
Oui, si elle peut être datée dans l’histoire des hommes, l'Eglise est plus encore conçue de la Parole éternelle de Dieu et attirée vers cette Parole comme à une source toujours vive. Ce que cet ancien auteur dit du mystère de l’Eglise, St Paul l’avait déjà souligné quand il parle de l’Eglise comme “projet éternel que Dieu a exécuté en Jésus-Christ” (Ephes 3/10-11).

Dès lors, le chrétien se sentira toujours mal à l’aise dans l’Eglise, s’il ne cherche pas à se mettre à la mesure de ce grand mystère. La vraie mesure de l’Eglise est celle du Dieu fait homme ; son mystère n’est que le prolongement du mystère de l’Incarnation.
              
Communauté d'hommes, de femmes rassemblés par le Christ ressuscité, elle est en croissance jusqu'à la fin des temps. Même si son visage est toujours marqué, conditionné par la société dans laquelle elle vit au cours de son pèlerinage, chaque jour Jésus l’interpelle : “Pour vous, qui suis-je ?”. C'est chaque jour qu'elle se bâtit sur la pierre portant le nom de Pierre.
              
Certes, son corps est plein de cicatrices et de prothèses. Certes, ses oreilles sont pleines du chant du coq qu’entendit le pauvre Pierre. Certes, son carnet est plein de rendez-vous manqués. Ses pieds sont souvent dans la boue du péché des hommes. Mais toujours, sa tête est dans le plein soleil de l’amour et de la justice de Dieu.
              
Pauvre et sainte Eglise, clouée au pilori de l’opinion publique, souvent agressée par des lettres ouvertes ! On n’a jamais autant disserté sur elle, alors que bien des générations ont simplement vécu en elle, sans raffinement d’analyses, sans supputation de sondages. Plus que jamais l’Eglise sait qu’elle ne peut s’affranchir du temps, de son poids et de son épaisseur. Et pourtant, elle est du Christ, Dieu et homme !

Mais c’est ainsi qu’elle est toujours en devenir, en construction. C'est ainsi qu'elle s'adapte aux temps, aux circonstances pour assurer sa mission. Constituée de pécheurs, elle pèche et se repent. Tentée par la gloire, la puissance et le pouvoir, elle est secouée par le souffle de l'Esprit. Fidèle, elle délivre, guérit, nourrit les foules. Infidèle, toujours elle se relève. Elle est, comme le précise Vatican II (LG. 8), “à la fois sainte et appelée à se purifier, poursuivant constamment son effort de pénitence et de renouvellement”, afin d’élever ce Temple saint, ce Temple vivant en lequel tous les enfants de la famille de Dieu sont, selon St Paul, “intégrés dans la construction qui a pour fondation les apôtres et les prophètes et Jésus-Christ lui-même comme pierre maîtresse” (Eph 2.20). En ce sens, tout chrétien n'a-t-il pas vocation d'être un “accoucheur d'Église”?

Pour cela, il faut aimer l’Eglise, du même amour que l’on aime le Christ.
Nous ne sommes du Christ qu’en Eglise.
Nous ne suivons le Christ qu’en Eglise.
Il n’est pas facultatif pour nous d’être en Eglise : ainsi nous vérifions notre appartenance à l’Evangile ; ainsi nous partageons notre foi et notre espérance. Non pas comme dans un pique-nique où chacun déverse son panier sur la nappe ouverte à tous : c’est Dieu lui-même qui se donne, en nous donnant sa Parole, son Pain de vie.
              
Oui aimons l’Eglise ! Aimons l’Eglise du pape François qui, inlassablement, rappelle que tout homme sans exception est invité à entrer en Eglise, d'une manière ou d'une autre, à faire partie du "Corps du Christ" !
              
Aimons l’Eglise des évêques qui, à la suite de St Paul, vont au cœur des Corinthe et des Ephèse de notre temps, fondent des communautés de foi, tissent patiemment des liens de paix, usent leurs forces pour annoncer le Ressuscité tout en attendant avec joie son retour
              
Aimons l’Eglise de tout le Peuple de Dieu, immense Peuple marqué du sceau de l’amour de Dieu.
              
Aimons l’Eglise de Marie. Si le regard de certains s’est obscurci et refroidi, est devenu soupçonneux et dur, c’est parce qu’ils n’ont pas donné à la Mère du Sauveur la place que son Fils lui a réservée du haut de la croix, lorsqu’il nous l’a donnée comme Mère, "Mère de l’Eglise".
              
Et la parabole du “Pasteur d’Hermas” de conclure : “Explique-moi : alors que les montagnes offrent une telle variété de teintes, pourquoi les pierres qu'on en extrait, à peine posées sur l'édifice, ont-elles pris la même couleur et sont-elles devenues d'une blancheur resplendissante? - Et il me fut répondu : En voici la raison : toutes les nations qui habitent sous le ciel, après avoir entendu la prédication et avoir cru, ont été appelées du nom du Fils de Dieu. Tous ces hommes ont pris les mêmes sentiments et le même esprit et se sont unis en une même foi et une même charité... De là cette couleur uniforme, cette blancheur éclatante comme le soleil".

Et St Paul de nous répéter aujourd’hui : “Quelle profondeur dans la richesse, la sagesse et la science de Dieu ! A lui la gloire pour l’éternité !”

dimanche 20 août 2017

La foi dans l'épreuve

20ème  Dimanche du T.O. 17/A 

L'algarade avait été vive. Les suites pouvaient être très graves. Aussi Jésus, avec ses amis, quitte les bords du lac de Tibériade et passe vers le pays de Tyr et de Sidon, l'actuel Liban ; La frontière était proche.

En effet, il avait durement affronté les Pharisiens. Ceux-ci avaient reproché à ses disciples de ne pas observer la “tradition” : ils allaient à table sans se laver les mains...etc. Jésus avait répliqué, les accusant d'utiliser des astuces juridiques pour échapper au devoir d'aider père et mère. Bien plus, il les avait interpellés : “Vous annulez la Parole de Dieu au nom de votre tradition. Hypocrites... aveugles qui guidez des aveugles !” Accusations quand même très vives et incisives !

Toujours, Jésus appelle les hommes à l'intérieur d'eux-mêmes, vers l'essentiel. Or l'essentiel, ce n'est pas le “qu'en-dira-t-on”, ni les belles manières, ni les coutumes raisonnables : l'essentiel, c'est le cœur de l'homme.

Jésus n'accepte pas que l'on confonde les hommes avec leur comportement. Les usages ou traditions ne sont pas des “absolus”. Seule est sacrée la Parole de Dieu, et c'est dans le cœur que l'homme l'accueille. Il faut franchir la frontière des exigences sociales ou des idées reçues : la vie avec Dieu est plus profonde ; elle est au cœur des hommes.

Ainsi donc, Jésus entraîne ses disciples à passer cette première frontière. Il ne veut pas qu’on “utilise” Dieu - c'est fréquent, inconsciemment sans doute - au service des idées reçues, philosophiques, sociales, politiques et même religieuses. On ne dispose pas de Dieu. On l'accueille.
En hélant les hommes au-delà des frontières que sécrétait la société de son temps, Jésus devenait un danger public (c'est toujours d'actualité!).
Et pour ne pas être arrêté, il ne lui restait plus qu'à franchir une autre frontière, celle du territoire, vers l'étranger.

Mais là, Jésus va rencontrer une troisième frontière. Et lui-même semble hésiter, avant de franchir cette frontière qui se dresse devant lui pour la première fois.
Il se retire donc "vers la région de Tyr et de Sidon". La précision géographique n'est pas sans importance : ces cités ont une solide réputation d'impiété, de résistance orgueilleuse à Dieu ; et les Prophètes s'étaient répandus en anathèmes à leur égard (Is. 23; Ez. 26-28; Am. 1-9 etc).
Aussi, en Israël, Peuple qui a répondu à Dieu, on n'aime pas les Cananéens qui refusent Dieu. On va même jusqu'à les traiter de "chiens". D'ailleurs Jésus ne pénètre pas dans ces villes maudites. Il reste dans les environs. - Or c'est de là que va sortir cette Cananéenne qui se met à crier : "Aie pitié de moi, Seigneur, Fils de David".

Cette femme lance un appel pressent : c'est une mère qui demande secours à propos de sa fille malade : "aie pitié de moi, Seigneur''… ; et Jésus ne lui répond pas un mot. - Mieux disposés, semble-t-il, les disciples insistent auprès du Maître : "Fais lui grâce ...". C'est un refus catégorique. Prosternée, la femme revient à la charge : "Seigneur, viens à mon secours...". La réaction est plutôt cinglante : "Il n'est pas bien de prendre le pain des enfants pour le donner aux petits chiens".

Mais la suite va nous prouver qu'il ne faut pas se fier aux apparences de Jésus. Il est d'abord venu pour chercher, sauver les brebis perdues de la Maison d'Israël ! Il veut affirmer cela avant tout et il l’affirmera souvent.
Ce qui veut dire qu'Israël avait été choisi pour accomplir une mission de foi : faire alliance avec Dieu, de sorte que cette alliance soit un exemple pour toutes les nations. Oui, Israël était choisi pour être le “missionnaire” du Dieu Unique auprès de tous les peuples. Et Notre Seigneur rappelle cette élection de choix du Peuple Juif.

Mais en même temps submergé par un amour sans frontière, Notre Seigneur ne peut s'empêcher de faire des exceptions à ce principe, comme pour mieux annoncer la prédication évangélique à toutes les nations qui sera la mission principale des Apôtres – (Paul surtout)

Ainsi, entre cette Cananéenne et Jésus, il se passe d'étranges évènements. De l'extérieur, c'est le rejet, presque le mépris. Mais au dedans, c'est le souffle puissant de l'Esprit qui gonfle la foi et la fait déborder en prière.
On pourrait dire, de façon imagée, que la dureté de Jésus est comme un barrage, qui provoque la montée des eaux jusqu'à constituer un lac capable de produire des prodiges de confiance, de persévérance, de foi.

Aussi la femme réplique à Jésus : C'est vrai : elle n'est pas digne de manger le pain de Dieu promis au peuple élu, mais "les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres !"
Et Jésus ne peut retenir son admiration : "Femme ta foi est grande". C'est bien là qu'il voulait la conduire en dressant des obstacles sur sa route. Il souligne sa grande foi et accorde la faveur demandée : "que tout se passe pour toi comme tu le veux".
Et, de plus, il y a là comme une accusation féroce de la part de Jésus vis-à-vis des pharisiens qui ont assisté au signe de la multiplication des pains que Jésus vient d'accomplir, mais qui ont refusé d'en comprendre le sens. Au contraire, pour la Cananéenne, il suffit de "quelques miettes" !
Contraste qui peut nous faire réfléchir nous-mêmes à qui Jésus se donne sous le signe du "Pain de vie" !

Aussi, cet épisode évangélique devrait produire en nous une double réflexion.
D'une part, savons-nous reconnaître et contempler les trésors de grâce que l'Esprit-Saint suscite dans la vie de nos frères différents de nous ? Nous n'avons pas le monopole de la foi et de l'amour. Au lieu d'élever des barrières entre les hommes, en les enfermant dans des catégories superficielles, pourquoi ne pas avoir le regard assez profond, le cœur assez large pour louer Dieu à cause de tout ce qu'il fait fleurir en ce monde, y compris dans le jardin de ceux qui paraissent très loin de lui ? J'en suis parfois témoin !
Nul ne peut se dire chrétien s'il méconnaît la consigne du Christ Ressuscité : "Allez, de toutes les nations, faites des disciples". On n’est pas chrétien en voulant maintenir non des différences légitimes, mais des barrières entre les hommes. La miséricorde de Dieu est offerte à tous, hommes et femmes de toutes races, langues, cultures, aux pauvres mais aussi aux riches appelés à la pauvreté évangélique. L'Esprit du Seigneur souffle où il veut et il accomplit partout des merveilles !

D'autre part comment interprétons-nous les épreuves que subit notre vie ou qu'endure notre foi ? Bien sûr, il nous arrive de traverser des zones de souffrance, de ténèbres. Et parfois nous sommes bouleversés par le cours des évènements, déconcertés par l'attitude de Dieu à notre égard.
Souvent on entend dire : "Je ne comprends pas ce qui m'arrive ; Dieu m'aurait-il abandonné ?"
En réalité, l'épreuve est souvent un moyen, une occasion de faire grandir notre foi. Une foi éprouvée intensifie la communion avec Dieu. Oh ! Certes, c’est plus facile à dire qu’à réaliser. Car nous ne comprenons pas. C'est vrai. Mais ne portons pas de mauvais jugements sur Dieu lorsque nous sommes dans l'épreuve. Dieu ne veut pas le mal, ni les épreuves (Fais que nous ne soyons pas soumis aux tentations des épreuves, disons-nous dans le “Notre Père”). Mais si ces épreuves arrivent, il attend de nous une plus grande confiance. Pourquoi imaginer aussitôt que son visage s'est détourné de nous?

La Cananéenne, cette païenne de l'Evangile, cette femme n'a pas de nom propre dans le récit.
Mais désormais près du Seigneur en qui elle a totalement crû, qu'elle nous aide, nous aussi, à cheminer dans la foi, surtout dans les épreuves diverses que nous pouvons rencontrer.

dimanche 6 août 2017

Notre destinée

Transfiguration 17

Ce texte d'évangile de la Transfiguration que nous venons d'entendre, vous le connaissiez déjà, n'est-ce pas ? On l'entend tous les ans dans les églises, le 2ème dimanche de carême. Oui, vous le connaissiez, mais avouez que ce texte reste bien étrange ; certains disent même qu'il est complètement étranger à notre vie.
Le dirions-nous aussi ? Étrange, oui, mais pas incompréhensible… Et surtout pas étranger à notre vie..., finalement !

Alors, comment comprendre ce texte étrange ?
Pour dire l'indicible, les mots toujours nous manquent. Aussi, Matthieu procède par allusions et par images. Une accumulation d'images qui disent toutes la même chose.

Il y a l'image de la montagne, le visage brillant comme le soleil, les vêtements blancs comme la lumière. Il y a l'image de la nuée. Montagne, lumière, splendeur, nuée, c'est le décor traditionnel des premières apparitions divines dans l'Ancien Testament.
En clair, pour les lecteurs de Matthieu, nourris des écrits de la Bible, ce récit présente Jésus comme une apparition divine, comme l'envoyé de Dieu, comme celui qui vient d'en haut pour inaugurer le Règne de Dieu.

Et ce n'est pas tout, Moïse et Élie sont là. Personnages essentiels de l'Histoire du peuple de Dieu, ils sont là pour signifier que Jésus est bien celui dont tout l'Ancien Testament préparait la venue, celui qu'on attendait.
Et pour qu'on en soit sûr, la voix du Père proclame : “C'est lui, c'est bien lui mon Fils bien-aimé, écoutez-le !”.

Notons que cette apparition du Christ glorieux vient à point : Jésus transfiguré avant d'être défiguré ! La foi des apôtres, Pierre, Jacques et Jean, sera tellement ébranlée, quand ils verront Jésus défiguré, couronné d'épines, affublé d'un manteau de carnaval. Jésus mourra en croix, sous les rires moqueurs des passants et dans le silence et la non-intervention apparente de Dieu.
Alors, la question est permanente : Dieu ne le reconnaîtrait-il pas comme son Fils ? Donnerait-il raison finalement à ceux qui l'ont condamné comme imposteur ?

C'est à cette question que la Transfiguration, dont Matthieu a composé le récit, veut répondre par avance. Jésus qui va prendre le chemin cruel de Jérusalem où il sera crucifié, fait entrevoir à ses apôtres sa résurrection. Il leur laisse deviner à quelle lumière, à quelle splendeur conduit la fidélité envers Dieu, jusqu'au bout. Il mourra en croix, mais cette mort se changera en lumière et en vie.

C'est cela le message essentiel de ce récit qui n'est pas si étrange que cela.

Et encore, pour souligner que ce texte n’est pas étranger à notre vie et qu’il est même important, retenons deux mots seulement... Les voici : “Écoutez-le !”. Oui, la voix du Père nous dit à chacun d’entre nous : “Voici mon Fils, écoutez-le” en toute confiance.

Cette parole doit nous rassurer, nous tous !
Les jeunes chrétiens qui sont en études diverses se demandent s’ils ont raison contre la majorité qui s’éloigne de Dieu.
Et nous, adultes, nous n’osons plus parler ouvertement de notre foi au Christ. Car on dit que les chrétiens sont des naïfs qui se font illusion et que l'évangile est une invention des hommes pour nous consoler artificiellement des malheurs de ce temps.

Qui d'entre nous n'a pas été sensible à cette question qui monte en nous aux heures de détresse, orchestrée par tant de voix de la culture contemporaine ?

Oui, il nous est bon d'entendre aujourd'hui cette parole du Père, comme une caution divine : “Écoutez-le, suivez son chemin, c'est un chemin de vie !”. Avoir la foi, pour un chrétien, c'est écouter le Christ, faire confiance à sa parole et, touché par son message et son exemple, choisir d'y adhérer.

Et puis, il y a une deuxième parole qu’il faut retenir dans ce récit de la Transfiguration et qui n’est pas étrangère, elle non plus, à notre vie, une deuxième parole très importante pour la vie du croyant : “Tu es mon Fils bien-aimé”. Oui, cette parole que Matthieu met dans la bouche de Dieu - “Celui-ci est mon Fils bien-aimé” - s'adresse à chacun de nous également. C'est Jésus qui nous l'a dit : tout homme est aimé de Dieu, tout homme est une histoire sacrée, tout homme est à l'image de Dieu. Tout homme a en lui cette lumière de Dieu qui peut transfigurer sa vie,

On dira, bien sûr,  que cette idéale de vie dicine ne se voit guère en notre temps ! L’humanité n'est pas belle, l'homme est capable du pire. L’actualité le démontre.
C'est vrai, l'homme est souvent défiguré par la violence, l'égoïsme, la laideur, la médiocrité. Et l'histoire des horreurs n'est hélas pas terminée, il faut rester lucide.
Mais il est vrai aussi que l'humanité est belle, que l'homme est capable du meilleur. La lumière qui veille dans le secret du cœur de chaque homme transparaît parfois. Que de femmes, que d'hommes célèbres ou ignorés montrent cette lumière à travers leur courage, leur force d'aimer, le don quotidien de leur vie. Ils luttent, ils protestent, ils bâtissent, ils sécrètent paix et amour. La transfiguration, c'est chaque jour en tous lieux de la terre, et parfois chez les plus humbles, surtout chez les plus humbles.

Et on peut conclure finalement : si tout homme est à l'image de Dieu, si tout homme est un fils bien-aimé du Père, tout homme est mon frère ! Jésus nous dit que Dieu ne fait pas de différence entre les hommes. Et nous, faisons-nous des différences ?...

Je laisse cette question à laquelle chacun doit répondre, cette question qu'à sa manière un vieux sage d'Orient posait à ses élèves :
- “A quoi peut-on reconnaître, demandait-il, le moment ou la nuit s'achève et où le jour commence ?”.
- Et l’un de ses disciple de demander : “Est-ce lorsqu'on peut distinguer de f
loin un chien d'un mouton ?”.
 - “Non”, dit le sage.
- “Est-ce quand on peut distinguer un dattier d'un figuier ?" “Non”, dit encore le sage.
- “Mais alors, quand est-ce donc ?”, demandent les élèves.
Le sage répondit : “C'est lorsque, regardant le visage de n'importe quel homme, tu reconnais ton frère ou ta sœur. Jusque-là, il fait encore nuit dans ton cœur !”
Et pour y parvenir, faisons bien attention: Quand le sage - a-t-on dit encore - du doigt désigne la lune, l'inattentif ne fait que regarder le doigt.