mardi 31 octobre 2017

Ils se sont tant aimés !

Toussaint 2017                        Ils se sont tant aimés !

“Mon père, je lui parle... ! Est-ce ridicule ?”. Et cette question d'une épouse qui vient de perdre son mari s’achève parfois dans un sanglot étouffé ! Ils se sont tant aimés !
On ne peut se faire à cette idée : être séparé à jamais !
Quand l’esprit, buriné par les épreuves des années, ne sait plus à quel saint... se vouer, si je puis dire aujourd'hui, il se surprend à parler à tel ou tel défunt, un père, une mère décédés depuis longtemps ! Comme si le seul recours à nos chagrins de grands enfants prolongés se trouvait dans la tendresse que nous avons pu connaître ici-bas. Tendresse qui apparaît alors comme un avant-goût de paradis.
Du sentiment, tout cela, dira le raisonneur apparemment insensible ! Et alors ? Pourquoi en avoir honte ?

Car la Toussaint, c'est tellement humain. La Toussaint, c'est peut-être d'abord ce besoin de toucher du doigt que l'amour ne meurt pas, ne peut pas mourir.
Combien de gens, ne partageant pas la foi chrétienne, ont cette conviction profondément ancrée en eux-mêmes : “Il n’est pas possible que ce qui a été le plus extraordinaire dans la vie – aimer - puisse se terminer en poussière”.   Oui, pressentiment irrépressible : “Nous nous retrouverons tous un jour !”.

Demeure cependant une sourde angoisse que St Augustin, si délicat et compatissant tout à la fois, a bien exprimée : “Tant qu'ils n'ont pas trouvé en Dieu le repos, nos cœurs demeurent dans l'inquiétude”. Aussi l'Eglise, dans sa sollicitude, veut nous rassurer en instituant cette fête de la Toussaint qui est tellement humaine parce que tellement chrétienne aussi.

Car cette fête se fonde sur la foi en la Résurrection qui nous ouvre les portes de la Vie... de la Vie en plénitude. Vie éternelle qui n'est pas à concevoir sur un mode individuel - on l’imagine trop souvent ainsi -, où chacun serait dans son coin de bonheur !   -  Oh ! Non !  La Toussaint nous propose déjà une communion les uns avec les autres, communion qui sera tellement forte puisqu’elle ne pourra subsister au ciel que dans la Communion que s’échangent les trois Personnes divines, Père, Fils, Esprit-Saint, Communion si intense qu'ils ne sont qu’un seul et unique Dieu ! Les neuf béatitudes que proclame l’Evangile d'aujourd'hui récapitulent finalement l'unique “Béatitude” céleste : le bonheur d’une union avec Dieu qui entraînera une parfaite communion les uns avec les autres !

Ce n'est pas évident d'espérer ce ravissement... Soyons honnêtes : si Dieu est théoriquement premier pour un chrétien, il n’est pas toujours premier dans le concret de sa vie. Nous savons plus ou moins communiquer avec Dieu ; mais nous n’en sommes pas encore à une parfaite union, communion avec lui. Nous y aspirons à cette union avec Dieu ; car cette union avec Dieu engendrera une totale communion les uns avec les autres, ce que l’on appelle déjà “communion des saints”.

A notre époque, on parle beaucoup de communication - Il faut communiquer… et encore communiquer ! 
Bien sûr ! Mais parfois, on oublie que communiquer n'est pas un but, en soi. La communication doit tendre vers la communion par nos actions, nos pensées, nos prières. Sinon elle est inutile !

Tel est le sens chrétien de la Toussaint qui nous permet de communiquer pour mieux affirmer, dans la joie, que la communion est possible et qu’elle sera parfaite au jour éternel ! Nous proclamons, nous chantons, nous nous communiquons, nous nous félicitons - verbe qui signifie “être heureux” -, de pouvoir célébrer - je dirais - “nos premiers communiants” du ciel, tous ceux, célèbres ou non, qui nous précèdent dans cette “communion des saints”. Par cette fête, nous pouvons communiquer avec eux, nous pouvons les prier, afin de creuser en nous le désir de Dieu, pour mieux évangéliser notre imagination en recherche de cette jubilation d'être “avec Dieu pour toujours”, disait St Paul, au cœur de cette “Communion des saints”.

Peut resurgir alors la question de cette épouse légitimement meurtrie par la mort de son mari : Quelle trace d'amour retrouverons-nous de ce que nous avons communiqué ici-bas, semé sur terre? Que restera-t-il de nos affections, de nos amours… humaines ?
Rappelez-vous le piège que l’on tend à Jésus au sujet de cette femme qui avait eu sept maris. “De qui, lui demande-t-on, sera-t-elle l'épouse?”. Jésus, comme toujours, élève le débat. La solution n'est pas humaine, mais divine. “Dans le Royaume des Cieux, il n'y a ni époux, ni épouse. Vous serez comme des Anges”. Que veut dire Jésus, souvent quelque peu provocateur ?

Jésus veut éclairer le mode de relation que nous aurons dans le Royaume de Dieu. Certes, nous nous retrouverons parfaitement, oui, mais transfigurés. Comme Jésus lui-même lors de sa résurrection ! Nous nous reconnaîtrons, nous serons bien les mêmes et, en même temps, tout autres. Comme des anges.

L'ancien monde aura disparu, dit St Jean. C’est-à-dire : ici-bas nos rapports avec autrui passent inévitablement par la médiation de nos corps souvent fatigués, de nos intelligences souvent embuées, de nos sensibilités parfois exacerbées ; là-haut, toutes nos limites éclateront.
Jamais notre prochain ne sera aussi proche, car notre vie ne sera plus embrumée par ce qui la rend souvent opaque. Cette “communion des saints” sera le lieu par excellence de la transparence. “Comme pour les anges !”.
Et Jésus de nous rassurer par ailleurs : “Il y a plusieurs demeures dans la maison du Père” ! N'est-ce pas nous faire comprendre que chacun, chacune seront reconnus dans leur originalité, leur différence, leur personnalité unique, irréductible aux autres ?

Peut-être allez-vous rétorquer : qu'en savez-vous, vous qui semblez vous présenter en spécialiste des choses jamais vues ? Comment parler de ce que personne n'a pu constater ? C’est vrai.
Mais Jésus, lui, sait de quoi  il parle. Et ses paroles sont des indices qui ne trompent pas. Outre ses paroles sur le mariage, il y a cette phrase lapidaire et lumineuse : “Il n'y a rien de secret qui, un jour, ne doive être dévoilé”. Autrement dit, chacun sera vu comme Dieu le voit de toute éternité ; et il sera vu dans sa sainte originalité voulue par Dieu Créateur ! En pleine lumière ! C’est l’un des grands leitmotivs de toute la Bible : “Serais-je donc déjà vue par celui qui me voit sans cesse ?”, demandait déjà Agar, la servante d’Abraham.

Et St Jean de la croix de répondre pour nous :
“Cela aura lieu... en la communion des diversités d'un chacun -
“Cela aura lieu quand vous m’aurez transformé, Seigneur, en votre beauté ;
Alors, je me verrai en vous en votre beauté.
En votre beauté, je serrai vous.
En votre beauté, vous serez moi,
            parce que votre beauté même sera mienne”.

En célébrant la Toussaint, l'Eglise nous appelle à l’union avec Dieu.
Alors, elle peut chanter son Cantique des cantiques : “L'Amour est plus fort que la mort.”.
Et elle envoie au monde entier son faire-part des noces éternelles dans la “communion des saints”.

Nous y sommes tous invités ! TOUS !

dimanche 15 octobre 2017

Les invitations de Dieu

28e Dim Ord. 17/A  -

Nous pouvons réellement dire : "Dieu est humain" !

Si l’homme ne peut véritablement exister sans Dieu, Dieu n’est pas sans l’homme depuis qu’il s’est fait homme. Et, parce que homme en Jésus, Dieu a donc expérimenté, comme nous-mêmes, cette souffrance de l'invitation que l'on repousse, de la main tendue que l'on ignore.

Il a aussi expérimenté la joie des retrouvailles, du réconfort, de la solidarité humaine.
Oui, Jésus Christ a connu les joies de l'amitié, par exemple à Béthanie avec Marie, Marthe et leur frère Lazare. Mais il a souffert de se voir rejeté par ses compatriotes de Nazareth, trahi par Judas, l'un des siens. Il a pleuré sur Jérusalem qui n'a pas voulu se rassembler autour de lui, “comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes”.

Ainsi, nous pouvons mieux saisir à travers l'humanité de Jésus envahie tantôt par la joie, tantôt par la peine, les émotions du cœur de Dieu, son bonheur lorsque nous répondons à ses invitations, ou sa déception lorsque nous disons "non" à ses appels. Jésus nous a décrit la joie immense du Berger qui retrouve sa brebis perdue, et, par contre, sa tristesse infinie, lorsque le fils prodigue s'éloigne en lui tournant le dos.

Certes, Dieu est le "Tout Autre", le "Transcendant" comme l'on dit; mais Dieu est aussi me "tout  autre" que Celui que les philosophes avaient imaginé : un Dieu lointain, hautain, insensible, indifférent. - En nous disant : “Qui me voit, voit le Père”, Jésus nous dévoile un Dieu proche, capable de compassion etde pitié, d'émerveillement, et  d'enthousiasme.

Mais allons encore plus loin. Depuis que Jésus - Dieu fait homme - est ressuscité, sa présence, limitée pendant sa trentaine d'années en Palestine, est devenue universelle par son Esprit qui habite en nous.

Dès lors, qui voit un homme, peut aussi discerner Jésus-Christ qui nous a prévenus : “Ce que vous faites au plus petit d'entre mes frères c'est à moi que vous le faites”. A travers les invitations que nous adressent les hommes, il nous faut donc parfois, souvent même, discerner, dans le quotidien de nos vies, de véritables appels de Dieu.

Lorsque nous refusons ou acceptons de donner notre temps, en fonction de quoi nous décidons-nous ? Est-ce en fonction de notre seul intérêt, du profit à en tirer, de l'argent à gagner ? Et alors, comme les invités de l'évangile nous ne tenons aucun compte des besoins des autres et, sans doute, de Dieu lui-même. Et Nous nous en allons, souvent tristement, qui à son champ, qui à son commerce ou à ses plaisirs. Et les autres ? Et Dieu lui-même ? Ils souffrent, comme le Christ, de la solitude devant nos rendez-vous manqués. Et nous-mêmes, nous nous condamnons à une certaine solitude en nous repliant sur nous-mêmes, loin des autres et parfois loin de Dieu.

La solitude des uns et des autres, voilà la grande souffrance de notre époque, la cause de tant de tristesse et de dépressions, de suicides même. Un rendez-vous avec soi-même n'a rarement de sens. Ne sommes-nous pas créés à l'image d'un Dieu en trois personnes pour vivre avec et pour les autres, et souvent communier ainsi avec Dieu-Trinité ?

Il faudrait prendre l'habitude, à chaque sollicitation, à chaque appel, de se poser la question : n’est-ce pas Dieu qui me fait signe ? Et si, après avoir cherché et trouvé la lumière, la réponse est affirmative, alors il ne devrait pas y avoir d'hésitation à répondre "oui", même s'il y a contrariété. -

Nous ne savons pas où Dieu nous mène, c’est vrai. Mais n'ayons pas peur de le suivre ? Pourtant, Dieu veut notre vrai bonheur, par-delà les apparences contradictoires, épreuves parfois humainement incompréhensibles. - Mais Dieu ne cesse d’être présent. Comme le disait Elie Wiesel durant l’extermination des Juifs : “J’étais parfois avec Dieu, souvent contre Dieu, mais jamais sans Dieu”. N’être jamais sans Dieu ! Alors même que notre pauvre intelligence a du mal à le reconnaître !

Il ne s'agit pas de contrecarrer systématiquement notre volonté ou de détruire notre personnalité. Dieu nous veut heureux et bien vivants dès aujourd'hui et pour toujours. Le Royaume de Dieu est une alliance, un véritable "mariage d'amour". Et sans doute que dans toute alliance, il y a des ombres… Cependant l'Eucharistie - signe de cette alliance - qui nous rassemble est l'annonce d'un festin qui s'achèvera dans la consommation des "noces éternelles".

Aussi, interrogeons-nous sur la qualité de notre attention à l'appel de Dieu à travers les invitations des autres. Sommes-nous fidèles aux rendez-vous qui nous sont proposés dans la mesure de nos possibilités. Quelles sont nos réactions devant des invitations, des lettres reçues, des rencontres quotidiennes.

Oui, Dieu nous lance des invitations à travers les services demandés dans ma famille, avec mes voisins, dans mes relations professionnelles, en Eglise…
Oui, Dieu nous fait très souvent signes à travers personnes et aussi - surtout peut-être - à travers les événements, même parfois très douloureux.
Dieu nous fait souvent signe, nous invite à son "repas" à l'intérieur même de l'Eglise. Il nous demande souvent de préparer la "table" des noces (dont l’Eucharistie est le signe) en participant activement à tel ou tel service d'Eglise, même si c'est le plus humble, le plus caché, en discernant son mystère pascal - de mort et de gloire - en tel ou tel événement difficile et parfois douloureux.

Soyons-en persuadés : cette habitude de répondre "oui" dans l'aujourd'hui des petites choses est la seule garantie de dire un "oui" total, joyeux et définitif, lorsque retentira le dernier appel : l'heure est enfin venue ; voici le temps des noces ; voici l'Epoux qui vient. Allez à sa rencontre.

samedi 7 octobre 2017

Les fruits de la vigne ?

27ème dimanche du TO/A 17
           
Il nous arrive encore souvent de penser : "Pourquoi Dieu est-il si loin de nous ?". Ou bien : "Pourquoi le Royaume de Dieu que Jésus-Christ est venu instaurer est-il si long à se construire ?". Et voici qu'aujourd'hui Dieu s'explique un peu; d'une manière qui peut nous sembler dure, car c'est presque un réquisitoire.

Pour justifier sa position, il prend une comparaison : un homme possède une vigne, il fait tout ce qu'il peut pour elle ... et il n'en retire aucun fruit. Alors, que faire ? Normalement, il doit s'en séparer.
Mais  Dieu nous rappelle que, pour lui, ce n'est pas seulement une affaire de rendement. C'est une histoire d'amour. La première lecture d'aujourd'hui commençait par ces mots : "chant du bien-aimé à sa vigne"! Et quand on aime, les rapports ne peuvent pas se juger seulement sur le rendement !

L'histoire de la vigne nous ramène à la manière dont Dieu a aimé son peuple : il l'a libéré de l'esclavage,  l'a conduit au désert, l'a nourri, a marché à ses côtés, lui a donné un pays  et, par sa loi, lui a révélé les chemins à suivre. Et malgré tout cela, le peuple s'est éloigné de Dieu.

Nous pourrions, évidemment, lire cette page d'une manière historique, antisémite même, en chargeant les Juifs de tous les crimes contre Jésus. Comme si nous étions les innocents de  l'histoire sainte !

Or, la question demeure : Jésus a-t-il pu prendre toute sa place dans notre vie pour porter des fruits qui demeurent, comme dirait St Jean ; Jésus veut imprimer son portrait authentique en nos cœurs, en nos vies avec l'écriture de la foi et de l'amour effectif.

Aussi, réfléchissons, car aujourd'hui, Dieu nous adresse le même message qu'aux auditeurs du Christ. Il nous invite à relire notre vie passée pour y desceller les signes, les preuves qu'il nous a aimés follement.
Et le reconnaissants, ne sommes-nous pas capables, nous aussi, comme Pierre, Paul ...de nous écrier : "Je sais maintenant en qui j'ai mis ma foi". Ne trouvons-nous pas en nos vies des évènements, des moments où nous avons perçu une prévenance, une présence toute particulière du Seigneur pour nous, prévenance, présence manifestées par nos parents, par un ami, par des évènements... où simplement par une lente et mure réflexion qui était finalement comme un dialogue avec le Seigneur?

Oui, Dieu est venu chez les siens, chez nous, en nous ; et sa force nous a permis de nous libérer peu à peu de ce qui nous retenait captifs dans le mal ;  sa parole a éclairé notre route humaine.

Il nous a donné la foi qui donne sens à nos vies.
Il a mis au fond de chacun de nous des talents différents afin que nous puissions révéler son amour aux autres et construire son Royaume.

Dieu, en faisant alliance avec ce nouveau peuple dont nous faisons partie - l'Eglise -, a fait ce projet : construire un monde nouveau, bâtir un monde d'amour où tous auraient connaissance de la Bonne Nouvelle ...
Il a confié cette tâche - je dirais cette vigne - à son peuple, à nous !

Dans l'histoire de la vigne, le propriétaire envoie ses serviteurs au moment des vendanges pour recueillir le fruit de ce qu'il leur avait laissé en gérance.

Si le Christ revenait aujourd'hui nous demander les fruits de ce qu'il nous a confié, ne pourrait-il pas nous adresser les mêmes reproches qu'il a adressés autrefois aux descendants d'Abraham ?

Certes, nous pourrions lui montrer de belles choses, des réalisations, des avancées missionnaires, des progrès avec les nôtres et dans la construction d'une communauté chrétienne où davantage de personnes prennent des responsabilités... C'est vrai ! 

Mais, il demeure bien des points essentiels où nous serions obligés de garder le silence : ma vie s'appuie-t-elle sur Dieu ou sur les hommes ? Quelle espérance je manifeste ? Est-elle humaine ou chrétienne ? Quel amour je porte à mes semblables ? Quel temps avons-nous passé pour annoncer l'évangile à ceux qui ne le connaissent pas ?...

L'évangile d'aujourd'hui nous invite donc à un examen de conscience. 
D'abord au niveau de nos familles, de nos diverses communautés de vie, de l'Eglise à laquelle nous voulons appartenir.  Le Royaume de Dieu nous a été donné pour que nous lui fassions produire du fruit. Nous avons peut-être enfoui le trésor que nous avons reçu du Seigneur au lieu de le mettre au service de tous.

Examen de conscience encore au niveau de chacun de nous : quels sont les dons que Dieu a déposés en chacun d'entre nous? Comment ai-je mis mes qualités  au service de la construction du Royaume de Dieu, de l'annonce de l'Evangile ?

Peut-être qu'après tout cela, nous serions tentés de conclure : le Seigneur va agir comme dans la parabole. Il va nous quitter, nous abandonner.
Non, car il nous a rassemblés ce matin, pour que nous prenions conscience de tout cela, mais surtout pour nous dire qu'il peut être encore plus proche de nous afin que la mission de l'évangile progresse chez nous.

Malgré nos faiblesses et nos hésitations, il nous redonne sa confiance et dans l'Eucharistie nous prouve son amour.

La vigne, c'est vous, c'est moi ! En nous, Jésus revient toujours mendier un accueil pour qu'il puisse se manifester au monde. Depuis qu'il s'est fait homme, Dieu a besoin des hommes, il a besoin de vous.

dimanche 1 octobre 2017

Le repentir, porte du ciel !


Un seul Père. Un même appel. Une vigne unique. Mais deux fils ! Et le Maître, qui est Père, adresse la même invitation : “Va travailler à ma vigne !”
Le premier répond : “Non” !". Mais s’étant repenti, il y va. Le second répond : “Oui, Seigneur !”. Et il n’y va pas! Et Jésus affirme préférer le premier : celui qui commence par refuser, celui dont la vie restera sans doute à jamais marquée par ce refus premier, celui qui a dû revenir, brisé dans son amour propre et mendiant humblement le pardon ! 

Pourquoi cette préférence ? C'est parce qu'à côté de la vertu de constance (que Jésus ne méprise certes pas), il y a la route du repentir.
Et le repentir reste le plus sûr accès au Royaume de Dieu.

Le repentir est notre passage unique vers la Vie. Que nous ayons dit “oui” à Dieu  ou d’abord dit “non”,  nous avons tous à faire la découverte de ce passage essentiel, nécessaire, inévitable : la pâque du repentir.
           
Dans le cas d'une générosité spontanée, d'un “oui” immédiat, nous courons si facilement le risque de trop nous appuyer sur nous-mêmes. Alors, l'expérience douloureuse de nos limites et faiblesses, l'humiliante brisure peut-être d'un échec, d’un manquement inattendu, peuvent nous conduire à chercher notre appui sur un Autre que nous-mêmes. Le repentir de notre trop grande et fréquente suffisance nous ramène vers Dieu ; et nous retrouvons alors un sol plus ferme : On abandonne ses fausses sécurités pour s’appuyer sur le Roc de la Miséricorde divine.
       
Même si nous sommes de ceux qui se sont toujours efforcés d’être fidèles à leur “oui” initial, Jésus ne veut pas nous abandonner à notre seule générosité, souvent orgueuilleuse. Il s'ingénie à nous faire comprendre que nos petites réussites humaines sont chimères, et qu'il n'y a de salut possible qu'à travers sa miséricorde.
Nous résistons longtemps à cette "ruse divine", si je puis dire ; mais un jour, au moment où notre générosité coutumière nous trahit, nous nous retrouvons face à la miséricorde divine, conscients de  notre médiocrité, mêlés aux derniers des pécheurs, à ceux qui précèdent les "Justes" dans le Royaume de Dieu. Nous sommes sauvés ! Non plus par le mérite de nos propres forces, mais par la seule grâce de l’Amour divin. Et reconnaissant ainsi l'Amour, nous voyons Dieu ; Et dans cette vision de Dieu, nous retrouvons la Vie, celle qui ne peut venir, pour durer, que de Lui.
   
Si nous sommes, au contraire, de ceux qui ont fait l’expérience douloureuse d'un refus premier et voulu, alors, croyons que la grâce divine nous a accompagnés et conduits, finalement et quand même,  en recherchant humblement le pardon, jusqu'à la vigne du Seigneur.       
Et le souvenir de ce pardon, de cette miséricorde paternelle, ne peut plus s'effacer ! L’assurance de ceux qui ont franchi la porte du repentir ne leur vient que du regard de pardon que le Seigneur, un jour, a posé sur eux. Et ceux-là savent et peuvent oser.

Ils sont désormais les premiers : Zachée, Marie de Magdala, le Bon Larron. Ayant trouvé la porte du repentir, ils sont entrés de plain-pied dans la Maison du Père. Ils ont fait la rugueuse mais libérante expérience de leur faiblesse et de leur petitesse. Et toute leur foi, toute leur espérance sont désormais fondées sur la certitude d'un Amour divin, entièrement gratuit par lequel ils ont été renouvelés. Et avec saint Jean, ils redisent, en toute humilité et vérité : “Nous avons connu l’amour de Dieu pour nous et nous y avons cru”.               

Mais dans l'un et l'autre cas, la porte unique du salut reste celle du repentir.
Si Jésus déclare aux scribes que les publicains et les prostituées les précéderont dans le Royaume de Dieu, ce n'est pas parce qu'ils sont “prostituées” ou “publicains” ; Jésus n'a jamais dit cela ! Il ne bénit ni le trafic financier ni la prostitution. Mais c’est parce que, tout “publicains” ou “prostituées” qu'ils soient, ou plutôt qu'ils étaient, eux, se sont repentis, se sont convertis ! Et parce que convertis, ils sont devenus des saints !
           
Ainsi, l'essentiel n'est pas de rester un “juste”, - ce n'est pas possible ! -, mais de devenir un “saint”, c-à-d un incessant converti. Jésus n'est pas venu pour les justes mais pour les pécheurs. Or, il n'y a que des pécheurs! “Moi le premier”, disait Paul. Le saint est un “pécheur” qui s'ouvre, par l'humilité du repentir, à la Vie, dont la source est dans la miséricorde divine.
Et parce que nous sommes “tous pécheurs”, nous sommes “tous appelés” à devenir des saints ! Malgré notre péché. Ou même, osera dire St Augustin, “par la grâce de nos péchés”.
Un Père du désert affirmait : “Celui qui reconnaît son péché est plus grand que celui qui ressuscite un mort”. Oui, confessant sa faute, il rend à jamais son âme vivante et immortelle !
           
Pourquoi Jésus nous dit-il qu'il y a plus de joie pour un seul pécheur qui se repent que pour 99 justes qui persévèrent? Dieu ne peut pas privilégier les uns aux dépens des autres et moins encore préférer les "pécheurs" qui tombent aux "justes" qui tiennent ! Pourquoi donc Jésus parle-t-il ainsi ?  Tout simplement parce que les Justes qui ne cherchent pas à se convertir sans cesse, ne sont plus des "justes", mais des "satisfaits". Alors que les pécheurs repentis, par leur retour dans les bras de Dieu, provoquent sa joie et sont sanctifiés.
Il ne s'agit pas d'être des "justes", mais des "saints" ! Et on ne peut le devenir que par le repentir de nos défaillances qui nous jette dans l'amour miséricordieux de Dieu ! C'est son amour seul qui fait la sainteté.

Dès lors, peu importe que nous soyons de ceux qui ont d'abord dit "oui", ou de ceux qui ont d'abord dit "non". Thérèse de Lisieux, Bernadette Soubirous, Jean-Marie Vianney, … sont de ceux qui, dès le départ, ont dit “oui” à Dieu. Cœurs innocents et purs, qui ont eu la grâce de le rester. Mais attention : leur sainteté ne s'est établie qu'à partir du jour où, dans leur vie, l'expérience de leur propre faiblesse, de leur péché, de leur incapacité, de leur crainte, les a conduits à croire en la miséricorde de Dieu et à ne plus compter que sur Lui. Ils festoient, aujourd'hui, dans la Vigne de Dieu.
           
Paul de Tarse, Augustin, Charles de Foucauld, avec Zachée le publicain, Marie de Magdala, sont parmi ceux qui, pendant longtemps, ont commencé par dire “non”. Mais ils ont su un jour, au terme de leurs aveuglements, de leurs refus et de leurs chutes, de quel immense amour Dieu lui-même, en se penchant vers eux pour les relever, les a comblés. Ils sont tombés dans les bras de Dieu qui les attendait, au bout de leur tunnel. Et durant tout le reste de leur vie, ils ne l'ont plus jamais oublié. Ils festoient, eux aussi, en ce jour, dans la Vigne de Dieu !

Et nous, frères et sœurs ? Nous ne sommes, nous, peut-être, ni de ceux qui ont vraiment dit “oui”, ni de ceux qui ont carrément répondu “non”. On ne dit jamais définitivement “non”, et on ne dit jamais pleinement “oui”. Il n'y a que le Christ qui n'ait été que “oui” en tout (2 Co. 1/19). Et Marie dont la vie a été tournée d'emblée vers Dieu par un “oui” sans mélange et sans retour.

En nous proposant pourtant d'aller travailler dès ce jour à sa vigne, Dieu ne nous demande pas l'impossible. Il nous demande seulement de ne pas nous appuyer, avec présomption, sur nos seules forces, sur nos propres certitudes ; mais de nous retourner vers lui, “qui dans sa grande miséricorde nous a fait naître de nouveau” (I P.1.3).
- Le “oui” premier, sa grâce pourra faire alors que nous puissions le tenir!
- Les “non” que nous pourrions dire, sa grâce aussi pourra faire que nous sachions nous reprendre !

Et nous pourrons alors, dans la confiance, l'humilité et la joie, entendre la voix du Père, pleine d'autorité et de tendresse, nous redire, chaque matin : “Mon enfant, va, aujourd'hui, travailler à ma vigne”. Et, avec l'aide de sa miséricorde, nous travaillerons a laisser grandir en nous la part d'immortalité qu'il nous a déjà donnée, la vocation de sainteté à laquelle il nous appelle.

Retenons bien : Ne cherchons pas à être des "justes" par nos propres forces, mais des "saints" par grâce de Dieu !