dimanche 26 novembre 2017

Un jugement ?!?

Christ-Roi 17/A

Tout est surprenant dans cette page d'Evangile où le Christ nous laisse entrevoir comme une représentation abrupte du jugement ultime.
Cependant, écoutons ces paroles du Seigneur, Juge du monde (He 12,23), Roi de l'univers (Ap 15,3). Ecoutons sa Parole dont l'Ecriture nous dit qu'elle est plus incisive qu'un glaive à deux tranchants (He 4,12).

La première surprise, c’est la position tranchée du juge. Son jugement, arrêté d'avance, tombe sans plaidoyer préalable. Et la défense des accusés ne s'exprime qu'après et sera repoussée sans appel ! Y aurait-il là quelque injustice de la part du Dieu de toute justice (Rm 3,21-26) ?

Mais la véritable injustice ne serait-elle pas le peu de cas que nous faisons de cette vie unique et libre que Dieu nous a donnée.
Sur ce point d'importance, le Seigneur sait tout : il connaît ses brebis, nous dit Ezéchiel, et même chacune par son nom, dira St Jean (Jn 10,14.27). Inutile de plaidoyer !
Quant à la défense, elle a déjà parlé tout au long de notre vie, par l’Esprit Saint - Esprit d'amour - qui nous a été donné (Jn 16,7).

Autrement dit, le Seigneur aime trop la vérité et notre liberté, pour ne pas nous nous rappeler fermement, aujourd'hui, une vérité claire et essentielle : l’importance première et dernière de l'amour.
St Paul le soulignera fortement : Un seul précepte contient toute la loi en sa plénitude (Ga 5,14). La charité est le nœud de la perfection (Col 3,14). Et celui qui aime a, de ce fait, accompli toute la loi (Rm 12,8).
Et l’on comprend alors l'importance que Dieu donne à cette exigence d'aimer. Puisque  Dieu est amour (1 Jn 4,8). Et tout ce qui n'est pas amour n'est donc rien. Quand j'aurais le don de prophétie et que je connaîtrais tous les mystères et toute la science, quand j'aurais la plénitude de la foi, une foi à transporter les montagnes, si je n'ai pas la charité, je ne suis rien ! (1 Co 13,2).

La sentence avancée par Jésus n'est donc pas injuste, mais logique. Puisque Dieu est amour, quiconque se refuse à aimer se met de lui-même hors de Dieu. Ce n'est pas Dieu mais lui-même qui se jette hors de sa Lumière (1 Jn 1,5) et se plonge dans les ténèbres extérieures. Celui qui n'aime pas demeure dans la mort, dira St Jean.
                             
Ainsi, la plaidoirie qui vient après cet amour refusé est toujours un "trop tard". Car on n'a qu'une seule vie pour s'exercer à aimer ! C'est chaque jour l'aujourd'hui de l'amour, et il ne se rattrape pas par de bons sentiments. Petits enfants, n'aimons donc ni de mots ni de langue, mais en acte et véritablement (1 Jn 3,18).

Il y a un deuxième sujet d'étonnement : la vie éternelle est accordée à des gens dont on ne sait même pas s'ils ont la foi ! Bien plus, ils semblent tout étonnés de rencontrer le Christ : Seigneur, s'exclament-ils, quand nous est-il arrivé de te voir ? (25,37). Il y a de quoi être surpris !

Là aussi, Jésus veut nous instruire. S'il est vrai que là où est l'amour, là est Dieu, comment donc ceux qui "vivent dans l'amour" - le vrai - ne verraient-ils pas Dieu, ne seraient-ils pas déjà en Dieu ?
Il y a des phrases étonnantes dans l'Ecriture que nous ne finirons jamais d'approfondir. Comme celle de St Pierre : La charité couvre la multitude des péchés (1 P 4,8). Et cette réponse de Jésus à propos de la pécheresse jetée tout en pleurs à ses pieds : Il lui sera beaucoup pardonné parce qu'elle a beaucoup aimé (Lc 7,47). En d'autres termes : sans amour, même avec beaucoup de vertus, rien n'est assuré. Avec l'amour, même avec beaucoup de fautes, tout peut être sauvé !

La chose est donc claire : Dieu ne nous jugera pas sur la peine que nous aurions pu lui faire (Dieu n'est pas susceptible). Mais sur son amour que nous n’aurons pas partager entre nous. Il sait que seul l'amour mutuel peut nous donner joie, paix, vie. Et il nous demande instamment : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés (Jn 15,12). C'est par le témoignage de l'amour fraternel que le monde peut savoir que le Père, par amour, a envoyé son Fils, et voulu à tout prix que ce monde soit évangélisé ; alors, il nous demande - et comme "seulement" -, de nous aimer : A ce signe, tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à cet amour que vous aurez les uns pour les autres.

Un troisième étonnement réside dans l'identification directe que le Christ établit entre Lui-même et chacun de ces petits  dont il précise qu'ils sont ses frères (Mt 18,5 ; 25,40 ; Rm 8,29). Qu'est-ce à dire ?
Essentiellement ceci : à partir du moment où Dieu s'est fait homme, c'est à partir de l'humain que nous pouvons remonter au divin.
Dieu s'est fait homme en Jésus jusqu'à prendre la dernière place des fils d'Adam (Lc 22,26). En s'incarnant. Il s'est inscrit au rang des petits et même des tout-petits, des plus petits (Mt 18,5). Il s'est fait pauvre sans retenir son rang d'égal à Dieu (Mt 8,20 ; Ph 2,6-7). Il a crié sa soif de justice, sa faim de vérité (Jn 8,31-58; 19,28). Et il est mort comme un malade porteur de la lèpre de nos péchés (Is 53; 2 Co 5,21).

Comment dès lors ne pas dire que sont bénis bien des affamés et assoiffés, bien des dénudés et étrangers, bien des malades et prisonniers (Mt 25,35-36) par le seul fait que le Christ, Dieu fait homme, s'est fait l'un d'eux ? Et ils sont bénis de son Père (25,34) ceux qui les ont aimés, en tant que tels, parce qu'ils sont alors, sur terre, la vivante image du Rédempteur. Car le Sanctificateur et les sanctifiés ont tous même origine, ose proclamer la lettre aux Hébreux. C'est pourquoi il n'a pas honte de les nommer frères (2,11). Jésus ne fait pas ici l'apologie de la misère (celle de la faim, du dénuement, de la maladie etc) ! Mais de l'amour qui sait aimer jusque-là, en acte et en vérité (1 Jn 3,18).

Fête du Christ-Roi ! Son Royaume est celui où  l’on veut restaurer la vie, la joie par l'amour. Jésus l'affirmait dès le début de sa viue publique, sur le mont des Béatitudes. Il le proclame encore à la fin de sa vie terrestre, en notre évangile d'aujourd'hui. Autrement dit, du début à la fin de sa vie d'ici-bas, le Christ proclame que le Règne de Dieu ne peut être qu’un règne d'amour ! D'un amour qui vient - consciemment ou inconsciemment - de Dieu-Amour !

En proclamant les Béatitudes, le Christ est intervenu pour renverser ce règne où l'amour est par trop oublié. Il nous faut "ranimer dans le monde l'amour qui s'éteint", disait Marthe Robin, la fondatrice des "Foyers de charité". Il nous faut de plus en plus instaurer "une civilisation de l'amour". (Jean XXIII).

Retenons et méditons chaque jour :
- Finalement, Dieu ne juge pas. Ce n'est pas lui qui condamne ; c'est chacun de nous par manque d'amour ;
- Un seul commandement : aimer et aimer comme Dieu-Amour nous aime.
- C'est à partir de l'humain que l'on monte vers Dieu!

A chacun de faire son propre jugement.

jeudi 16 novembre 2017

L'instant présent !

Vendredi 32 T.O. 2017 imp.

L'instant présent, germe d'éternité !

Depuis plusieurs chapitres, le livre de la Sagesse nous présente les "faiseurs" d'idoles, des idoles à vénérer, adorer ! Des idoles que peuvent être le soleil, la lune, les étoiles… et que sais-je encore. Ces fabricants d'idoles ne peuvent être que "des insensés par nature", dit la sagesse. C'est avoir peu d'intelligence que de prendre le visible pour l'invisible, une créature pour le Créateur !
St Augustin dira en son temps qui ne manquait pas d'idoles : "Le Christ est le vrai Soleil qui ne se couche plus. Il ne s'agit nullement de célébrer le soleil, mais le Créateur du soleil !".

Et aujourd'hui, le dieu-soleil, n'est-il pas la recherche du pouvoir. ? La lune - argentée ou pas - n'est-elle pas l'avidité de l'argent, des richesses ? Et les étoiles - qui illuminent bien des spectacles de notre monde - ne sont-elles pas la ronde infernale des plaisirs d'ici-bas ?

Oh ! La nature n'est pas à détester. Dieu nous a donné les biens terrestres pour notre profit. Mais le créé ne doit pas cacher le Créateur ! "Depuis la création du monde, écrivait St Paul, les réalités invisibles de Dieu - sa puissance et sa divinité - se découvrent à l'intelligence par ses œuvres".
Toute la création forme le premier langage de Dieu adressé à l'homme. Nous pouvons jouir des choses créées ; mais en les utilisant, l'homme doit d'abord discerner la bonté, la grandeur de notre Dieu. "Les cieux racontent la gloire de Dieu", dit le psaume 18ème.

Oui, toute la création est un langage de Dieu, le premier !
Le second langage de Dieu est encore plus merveilleux. Car Dieu - si indicible, dit encore St Paul, a voulu s'associer à l'intelligence de l'homme afin qu'il puisse  découvrir en la nature bien des merveilles pour son profit, pour délivrer l'homme de bien des servitudes, pour le faire passer - comme pour le peuple hébreu - de la servitude au service et de Dieu et des hommes.
Dieu veut nous faire participer à son pouvoir créateur en utilisant les biens de la création pour le bien-être de l'homme et non pour son asservissement, pour promouvoir en quelque sorte la création et non l'anéantir, la détruire… Le Pape François a merveilleusement exprimé cette capacité de l'homme associé à la toute puissance divine. Et c'est en ce sens que la Bible parle des "merveilles" que Dieu accomplit avec l'homme. "Mon Père est toujours à l'œuvre ; et moi aussi, je suis à l'œuvre", a dit Jésus.

il y a un troisième langage de Dieu que nous fêterons prochainement : "Et le verbe s'est fait chair" ! Il nous faut donc écouter cette Parole divine.

"Au commencement était le Verbe, dit Saint-Jean, et le Verbe était tourné vers Dieu", ou - plus exactement - "en élan vers Dieu" ("pros theon", dit le grec). Mais, le Verbe a comme détourné cet élan vers Dieu pour se tourner vers les hommes et les enseigner sur leur destinée et sur la destinée de toute la création. Aussi, le Christ - Verbe de Dieu -, une fois ressuscité,  dira : "Je monte vers mon Dieu et votre Dieu". (C'est le même terme :"pros theon"). Le Christ veut nous remettre "en élan" vers Dieu, avec toute la création si nous ne la gaspillons pas !

Ne gaspillons donc  rien en notre aujourd'hui ! Car aujourd'hui, c'est déjà le "jour du Seigneur" dont parle l'évangile. Le jour du Seigneur nous est présenté comme un jour soudain qui ne laissera à personne le temps ni de se préparer ni de prendre distance.

Autrement dit, la "visite" du Seigneur arrivera dans l'instant présent. Dieu n'est plus dans le passé, il n'est pas encore dans l'avenir. 
Notre instant présent est comme le sacrement de la présence divine. 
L'instant présent est le seul germe d'éternité. 
L'instant présent contient une possibilité d'entrer déjà en l'éternité divine. 
L'éternité, notre éternité ne sera que la consécration de notre instant présent en lequel Dieu veut toujours se manifester, manifester ses merveilles. 
Il ne sera nullement question de se raccrocher aux biens terrestres "à ce qui se trouvera dans les maisons ou dans les champs" - aux biens du passé comme à ceux que l'on espère -. On ne pourra se présenter à Dieu qu'avec des mains vides ou plutôt avides de lui seul, le Créateur de toutes choses. selon qu'il est déjà en germe en notre existence... !

En effet, devant le Seigneur, on ne peut se tenir que les mains vides, sans artifice. En l'instant présent, seule compte la vérité du cœur. Dieu passe en chaque instant de notre existence ;  et notre capacité à le chercher, à le trouver, à l’accueillir, est un premier pas vers la rencontre finale.

Le livre de la Sagesse parle de ce travail du cœur, de cette vigilance de chaque instant qui doit impliquer toute notre personne et ne nous laisser aucun instant de repos. Ainsi, notre capacité à accueillir le jour du Seigneur, à le suivre de manière définitive dépend de l’exercice permanent à discerner la présence du Seigneur en chaque instant de notre vie.

Ne soyons donc nullement comme paralysés par la peur. Essayons de saisir chaque instant pour  dire « oui » à Dieu et à nos frères tout à la fois.  
Et soyons en paix !