4ème
Dimanche de Carême 17 - A
Il y a des gens qui semblent destinés au
malheur !
Ainsi le mendiant que Jésus rencontre un jour sur l’esplanade du temple de
Jérusalem.
Aveugle de naissance, le malheureux n’était
pas très aidé par son entourage.
Certains l’accusaient d’avoir gravement
péché, car son infirmité ne pouvait être qu’une malédiction méritée !
Evidemment ! Evidemment, pense-t-on aujourd'hui encore, plus ou moins
consciemment !
Cependant, guéri par Jésus - la chance de
sa vie ! -,
- il est en proie à une suspicion, à
une méchante polémique.
- Les voisins ne veulent pas reconnaître
sa guérison.
- Les pharisiens - c’est-à-dire les
meilleurs pratiquants - se servent de lui pour chercher querelle à Jésus au
sujet du sabbat. Le voilà soumis à une pénible inquisition qui aboutit à un
jugement sans appel : “Tu n’es que
péché depuis ta naissance”.
- Même ses parents l’ont laissé
tomber par peur des notables juifs. Que ne ferait-on pas pour ne pas avoir
d’histoires ? Que ne ferait-on pas, en cas semblable, n'est-ce pas ?
- Innocent et triste, l’ex-aveugle est
finalement chassé de l’enceinte du temple comme un vulgaire pestiféré.
Alors ? Alors, valait la peine de recouvrer
la vue pour devenir un paria méprisé de tous ?
Mais Jésus allait le consoler
magnifiquement. C’était encore trop peu d’avoir retrouvé la lumière du soleil,
car il y a en l’homme des obscurités plus tragiques que la cécité. On peut être
totalement désespéré par une existence sans signification et sans amour que la
clarté du jour devienne insupportable aux meilleurs voyants !
“Crois-tu
au Fils de l’homme ?”, lui demande Jésus.
Par cette question, il proposait la
vraie lumière pour la vraie vie ; il invitait à la foi - cette
foi qui éclaire véritablement la route humaine - ! Il invitait autant
ceux dont les yeux de chair sont éteints que ceux qui se contentent seulement
de regarder les couleurs de ce monde.
“Qui
est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ?”.
Il y a dans cette question tout le désir
brûlant d’un homme qui - guéri de sa cécité depuis quelques minutes seulement -
cherche déjà une autre clarté plus essentielle, plus intérieure, celle
qui fait passer à la joie de l’espérance.
“Et
bien, tu l’as vu ; c’est lui qui te parle”.
Seul le face à face avec Jésus peut nous
arracher à toutes nos ténèbres et nous faire accéder à la clarté divine.
Voilà le bonheur auquel Jésus voulait
conduire le pauvre aveugle de Jérusalem. Plus que jamais mendiant (mendiant de
Dieu), l’homme l’a compris car en se prosternant aux genoux de Jésus, il
déclare : “Je crois, Seigneur”. Enfin,
il voyait !
Il faut le reconnaître : l’un des grands
thèmes de l’évangile selon St Jean est celui de la connaissance, de la
lumière. Dans notre récit, il établit un fort contraste entre la connaissance
surnaturelle qu’acquiert peu à peu l’infirme guéri et celle de son entourage,
parents, voisins, pharisiens qui ont tous peur de la lumière !
Et nous, nous pouvons nous interroger, en ce
temps qui nous prépare à la lumière que le Christ de Pâques veut nous
donner :
- Sommes-nous comme les parents de
l’infirme qui refusent de se poser des questions dont les réponses pourraient
les compromettre ? Notre foi est-elle cachée ou est-elle comme une lumière
afin qu’elle éclaire tous ceux qui entre dans notre maison ?
- Sommes-nous comme les voisins de
l’infirme qui parlent facilement de religion, non pour eux-mêmes, mais
seulement pour les autres ? Evidement !
- Pire, sommes-nous du clan des
pharisiens. On veut se présenter comme des connaisseurs ; on raffole de
discussions. On ne présente parfois non une foi à déplacer les montagnes, mais
une connaissance livresque. On se croit l’intelligentsia et l’on est que des
éteignoirs de l’Esprit, de l’Esprit-Saint.
Toute la Bible le crie : le grand péché
n’est souvent que la suffisance, l'orgueil humain qui empêche la lumière
de la foi.
Ainsi, alors que les pharisiens s’enfoncent
dans la nuit, l’aveugle monte vers la lumière progressivement. Nous le voyons
suivre les étapes de la foi.
- Pour lui, au début, Jésus n’est qu’un
inconnu. Il ne sait qu’une chose de lui : il s’appelle Jésus : “l’homme qu’on appelle Jésus” !
- A peine guéri, il adhère à son
bienfaiteur, mais sans plus. Aussi, sa foi naissante est mise à l’épreuve
par la hargne des pharisiens.
- Mais cela ne l’empêche pas de progresser.
Il découvre que Jésus est un prophète, un envoyé de Dieu, le
“Fils de l’homme”.
- Enfin, ayant rencontré Jésus, l’ayant vu
de ses yeux neufs, il fait sa “profession de foi chrétienne”. - “Je crois, Seigneur !” ; et il
se prosterne devant lui.
Ainsi, devons-nous faire comme cet aveugle
qui s’est laissé illuminer par Jésus :
- il est “passé” (c'est le sens du
mot "Pâques", n'est-ce pas !)de la religion des observances à la
religion de la communion avec Dieu.
- il est “passé” d’une connaissance
livresque, intellectuelle à une adhésion de toute sa personne…
- il est “passé” - déjà - du Jésus
de l’histoire au Christ de la gloire !
Oui, Jésus est vraiment la “lumière du monde”. Une lumière divine !
Et l’ancien aveugle, illuminé par la clarté
de la foi a encore quelque chose à nous dire : nous nous affirmons croyants,
chrétiens. Et c’est bien. Mais ne pleurnichons-nous pas trop facilement sur nos
petits malheurs… que nous engendrons nous-mêmes souvent par nos manières de
vivre ?
Au lieu de gémir, peut-être
parviendrions-nous à mettre du soleil dans nos nuits et dans celle des autres
si nous nous laissions parfaitement ouvrir
les yeux par Jésus dans l’obéissance - dans l’abandon - à sa Parole,
si nous revenions plus facilement aux pieds
de Jésus pour l’adorer, pour le prier et toujours dans une action de grâces
joyeuse : "Je crois, Seigneur". Et un Juif ajouterait facilement
comme Jésus le faisait : "Toda" - "Yehuda" - "MERCI
!" !