4ème
Dimanche Ordinaire B/18
En nous
décrivant la première journée de la vie publique de Jésus, St Marc veut sans
doute nous donner une "journée-type" du Maître.
Et sur
l'épaule de l'Evangéliste qui écrit, nous apercevons Pierre qui se souvient et
qui revoit dans le détail.
Tout
commence par un enseignement dans la synagogue de Capharnaüm. Pierre - à
travers Marc - est un visuel : il ne rapporte pas ici ce que dit Jésus ; il
retient simplement que tous "étaient
frappés de cet enseignement" !
Et il lui
tarde de nous plonger en pleine foule orientale : il y a de l'ambiance, de la
couleur, des cris, du mouvement. Et soudain, c'est la guérison d'un
possédé ! Alors, éclatent l'admiration, l'étonnement, la bousculade. "L'esprit impur secoua l'homme avec
violence et il sortit de lui en poussant un grand cri".
Ainsi, dès
cette première heure, nous savons de quoi sera faite l'évangélisation. Elle
comprendra un double élément : des paroles et des signes, l'enseignement
et les miracles.
Et déjà,
nous devinons que les préférences de Marc - ou de Pierre - iront aux miracles
tandis que Matthieu recueillera davantage de paroles pour les organiser en
discours. Peu importe, d'ailleurs, puisqu'en hébreu "parole de Dieu"
veut aussi bien dire "acte de Dieu", "action de Dieu".
Dieu, en Jésus-Christ, se manifeste aussi bien par sa parole que par son
action.
Méditons ce
premier acte de Jésus d'après Marc.
C'est à
dessein que Marc présente comme premier miracle de Jésus une expulsion du
Démon. Car Jésus n'est pas un simple médecin qui, pris de pitié devant les
misères humaines, s'efforce, à tout moment, de les supprimer ou de les
amoindrir. Il le fait, certes. Mais son action va au-delà : quand il déclare
que le Règne de Dieu est arrivé avec lui, il veut en même temps signifier
qu'est arrivé aussi la fin d'un autre règne, la fin de Satan.
Et pour lui,
Satan est quelqu'un, un être personnel et spirituel, intelligent et pervers. Il
fait partie de ces puissances sur lesquelles les hommes n'ont pas de pouvoir
direct, car elles leur sont insaisissables. - C'est un esprit
"impur", dit St Marc ; et ce mot désigne chez lui tout ce qui est
inapte à la moindre relation avec Dieu qui est "pur", qui
est "saint".
Cet esprit
représente donc l'opposition à Dieu d'une certaine réalité du monde. Il est le
symbole de tout ce qui, dans l'homme, en chacun de nous, est en opposition
radicale à Dieu. -
Et St Marc
décrira plus loin avec un luxe de détails effrayants un épisode de cette
emprise de Satan sur l'homme. Comment oublier son récit de la guérison du
démoniaque de la Décapole dans les falaises sauvages qui surplombent, à l'est,
le lac de Génésareth. Il est clair que dans cet homme tourmenté par une légion
de démons, il voit, comme dans un miroir, l'humanité aliénée par Satan. Il voit
notre monde où ces démons sont toujours à l'œuvre. Ils se manifestent sans
doute autrement aujourd'hui : à travers l'argent, la drogue, la mode, le jeu,
l'impureté, la suffisance, l'injustice -
voire : la foi morte et la pratique routinière -.
Les démons
n'ont jamais cessé de vouloir le mal ; ils se sont toujours employés à nuire
aux hommes, à travers lesquels ils cherchent à atteindre Dieu lui-même. Et
toujours, St Marc pensera à ce combat incessant des forces du mal contre
Dieu, des fils de ténèbres contre les fils de la lumière.
C'est
pourquoi il nous présente ce premier miracle de Jésus, première victoire du
Fils de Dieu venant libérer l'homme de l'emprise du démon, prélude à la
victoire finale sur le Golgotha. Les hommes peuvent désormais espérer : ils
ont un Sauveur qui peut dire avec force et autorité : «Hors de cet homme !». St Marc a bien écrit pour nous !
De ce
premier affrontement entre le Christ et le Démon, il nous faut d'abord
souligner l'existence de celui-ci, du Satan. Je sais que ce n'est pas
"très à la mode" de l'affirmer. Pourtant il n'est pas bon de le reléguer
- en souriant - parmi les mythes. Et l'Eglise, docile à l'Evangile, fait de
l'existence du Démon une affirmation de foi. Souvenons-nous que le mal n'est
pas une abstraction à l'usage d'intellectuels. Il a une réalité personnelle. Le
désordre qu'il introduit dans le monde ne peut venir que d'une action
personnelle. Sans voir le Démon partout et sachant que la faiblesse humaine
suffit à expliquer bien des choses malheureuses, n'oublions pas, afin de nous
en protéger, que le Démon, ouvertement ou insidieusement, combat l'Evangile,
combat le Christ.
Remarquons
encore que, d'après cet épisode, Satan se manifeste avant que Jésus lui ait
enjoint de s'en aller. Notre Seigneur sait parfaitement que le Démon est là.
Mais il se préoccupe avant tout des hommes en les enseignant, en ayant
auprès d'eux l'attitude positive de celui qui apporte la vérité, le bien… C'est le Démon qui ne supporte pas la
présence du Christ !
Et bien, en
nous souvenant de ce qui advint aux Apôtres ainsi qu'à tous les grands
disciples du Seigneur depuis les origines jusqu'à nos jours, on peut dire que
le véritable ami du Christ a, aujourd'hui encore, le don d'indisposer les
puissances du mal. Il doit le savoir. Mais, avant tout, il doit se préoccuper de
transmettre positivement le message évangélique, s'attendant à ce que le Démon
intervienne - d'une façon plus ou moins obscure - à l'encontre de son action.
Et son unique souci ne sera que de communiquer avec Jésus, le "Saint de
Dieu" qui vaincu le Démon.
Aussi, il
nous faut encore participer à l'émerveillement de tous ces gens qui ont été
témoins du premier miracle de Jésus d'après St Marc. Ils ont vu le miracle,
certes ; mais ils ont surtout entendu et accueilli la parole de Jésus ; et ils
s'exclament : "Voilà un enseignement
nouveau, proclamé avec autorité. Il commande même aux esprits mauvais ; et ils
lui obéissent". Le miracle n'est là que pour aider à accueillir la
Parole de Dieu.
Que la
parole de Jésus, transmise par l'Evangile, soit toujours pour nous un
enseignement nouveau ! Que cet enseignement ne nous lasse jamais, mais qu'il
nous émerveille et nous paraisse toujours actuel et capable de transformer
notre vie.
Ouvrons
notre cœur, notre intelligence à cette parole, en cherchant "comment plaire au Seigneur",
selon l'expression de St Paul dans la seconde lecture. Alors, nous serons les
vrais disciples du Christ ressuscité, vainqueur du mal, vainqueur du Démon !