vendredi 26 janvier 2018

Parole et action du Seigneur

 4ème Dimanche Ordinaire B/18

En nous décrivant la première journée de la vie pu­blique de Jésus, St Marc veut sans doute nous donner une "journée-type" du Maître.
Et sur l'épaule de l'Evangéliste qui écrit, nous apercevons Pierre qui se souvient et qui revoit dans le détail.

Tout commence par un enseignement dans la syna­gogue de Capharnaüm. Pierre - à travers Marc - est un visuel : il ne rapporte pas ici ce que dit Jésus ; il retient simplement que tous "étaient frappés de cet enseignement" !
Et il lui tarde de nous plonger en pleine foule orientale : il y a de l'ambiance, de la couleur, des cris, du mouvement. Et soudain, c'est la guérison d'un possédé ! Alors, éclatent l'admiration, l'étonnement, la bouscu­lade. "L'esprit impur secoua l'homme avec violence et il sortit de lui en poussant un grand cri".

Ainsi, dès cette première heure, nous savons de quoi sera faite l'évangélisation. Elle comprendra un double élément : des paroles et des signes, l'enseignement et les miracles.
Et déjà, nous devinons que les préférences de Marc - ou de Pierre - iront aux miracles tandis que Matthieu recueillera davantage de paroles pour les organiser en discours. Peu importe, d'ailleurs, puisqu'en hébreu "parole de Dieu" veut aussi bien dire "acte de Dieu", "action de Dieu". Dieu, en Jésus-Christ, se manifeste aussi bien par sa parole que par son action.
Méditons ce premier acte de Jésus d'après Marc.
                           
C'est à dessein que Marc présente comme premier miracle de Jésus une expulsion du Démon. Car Jésus n'est pas un simple médecin qui, pris de pitié devant les misères humaines, s'efforce, à tout moment, de les supprimer ou de les amoindrir. Il le fait, certes. Mais son action va au-delà : quand il déclare que le Règne de Dieu est arrivé avec lui, il veut en même temps signifier qu'est arrivé aussi la fin d'un autre règne, la fin de Sa­tan.
             
Et pour lui, Satan est quelqu'un, un être personnel et spirituel, intelligent et pervers. Il fait partie de ces puissances sur lesquelles les hommes n'ont pas de pouvoir direct, car elles leur sont insaisissables. - C'est un esprit "impur", dit St Marc ; et ce mot désigne chez lui tout ce qui est inapte à la moindre relation avec Dieu qui est "pur", qui est "saint".
             
Cet esprit représente donc l'opposition à Dieu d'une certaine réalité du monde. Il est le symbole de tout ce qui, dans l'homme, en chacun de nous, est en opposition radicale à Dieu. -
Et St Marc décrira plus loin avec un luxe de détails effrayants un épisode de cette emprise de Satan sur l'homme. Comment oublier son récit de la guérison du démoniaque de la Décapole dans les falaises sauvages qui surplombent, à l'est, le lac de Génésareth. Il est clair que dans cet homme tourmenté par une légion de démons, il voit, comme dans un miroir, l'humanité aliénée par Satan. Il voit notre monde où ces démons sont toujours à l'œuvre. Ils se manifestent sans doute autrement aujourd'hui : à travers l'argent, la drogue, la mode, le jeu, l'impureté, la suffisance, l'injustice  - voire : la foi morte et la pratique routinière -.
             
Les démons n'ont jamais cessé de vouloir le mal ; ils se sont toujours employés à nuire aux hommes, à travers lesquels ils cherchent à atteindre Dieu lui-même. Et toujours, St Marc pensera à ce combat incessant des forces du mal contre Dieu, des fils de ténèbres contre les fils de la lumière.
             
C'est pourquoi il nous présente ce premier miracle de Jésus, première victoire du Fils de Dieu venant libérer l'homme de l'emprise du démon, prélude à la victoire finale sur le Golgotha. Les hommes peuvent désormais espérer : ils ont un Sauveur qui peut dire avec force et autorité : «Hors de cet homme !». St Marc a bien écrit pour nous !
                           
De ce premier affrontement entre le Christ et le Démon, il nous faut d'abord souligner l'existence de celui-ci, du Satan. Je sais que ce n'est pas "très à la mode" de l'affirmer. Pourtant il n'est pas bon de le reléguer - en souriant - parmi les mythes. Et l'Eglise, docile à l'Evangile, fait de l'existence du Démon une affirmation de foi. Souvenons-nous que le mal n'est pas une abstraction à l'usage d'intellectuels. Il a une réalité personnelle. Le désordre qu'il introduit dans le monde ne peut venir que d'une action personnelle. Sans voir le Démon partout et sachant que la faiblesse humaine suffit à expliquer bien des choses malheureuses, n'oublions pas, afin de nous en protéger, que le Démon, ouvertement ou insidieusement, combat l'Evangile, combat le Christ.
                           
Remarquons encore que, d'après cet épisode, Satan se manifeste avant que Jésus lui ait enjoint de s'en aller. Notre Seigneur sait parfaitement que le Démon est là. Mais il se préoccupe avant tout des hommes en les enseignant, en ayant auprès d'eux l'attitude positive de celui qui apporte la vérité, le bien…  C'est le Démon qui ne supporte pas la présence du Christ ! 
Et bien, en nous souvenant de ce qui advint aux Apôtres ainsi qu'à tous les grands disciples du Seigneur depuis les origines jusqu'à nos jours, on peut dire que le véritable ami du Christ a, aujourd'hui encore, le don d'indisposer les puissances du mal. Il doit le savoir. Mais, avant tout, il doit se préoccuper de transmettre positivement le message évangélique, s'attendant à ce que le Démon intervienne - d'une façon plus ou moins obscure - à l'encontre de son action. Et son unique souci ne sera que de communiquer avec Jésus, le "Saint de Dieu" qui vaincu le Démon.
                           
Aussi, il nous faut encore participer à l'émerveillement de tous ces gens qui ont été témoins du premier miracle de Jésus d'après St Marc. Ils ont vu le miracle, certes ; mais ils ont surtout entendu et accueilli la parole de Jésus ; et ils s'exclament : "Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité. Il commande même aux esprits mauvais ; et ils lui obéissent". Le miracle n'est là que pour aider à accueillir la Parole de Dieu.
             
Que la parole de Jésus, transmise par l'Evangile, soit toujours pour nous un enseignement nouveau ! Que cet enseignement ne nous lasse jamais, mais qu'il nous émerveille et nous paraisse toujours actuel et capable de transformer notre vie. 
Ouvrons notre cœur, notre intelligence à cette parole, en cherchant "comment plaire au Seigneur", selon l'expression de St Paul dans la seconde lecture. Alors, nous serons les vrais disciples du Christ ressuscité, vainqueur du mal, vainqueur du Démon !

mardi 16 janvier 2018

L'Esprit presse... :

L'Esprit "nous presse..." !

Le temps me manque... ! Et veuillez excuser l'espacement de mes interventions...!
Le temps me manque parce que l'"esprit de la chair" me conduit obligatoirement à me préoccuper - trop souvent - des soins qu'elle exige… !

Pourtant, pourtant,
"Seuls sont enfants de Dieu ceux qui se laissent conduire par l'Esprit de Dieu...", nous dit St Paul (Rom. 8.14).
L'Esprit n'oppresse jamais, jamais ; mais
sans cesse, il nous presse, nous pousse. C'est le sens du verbe employé par l'apôtre.
L'Esprit nous presse, nous pousse.
C'est comme au matin : je presse mon tube de dentifrice ; et alors, est poussé le dentifrice !

Et bien, quand l'Esprit nous presse, est poussé en nous comme un esprit de famille, une puissance, un principe de vie divine !
Un principe, un esprit de famille
qui nous unit au Christ, Fils de Dieu,
qui, avec lui, nous permet d'appeler Dieu "notre Père".

L'Esprit nous presse sans cesse ;
et pousse en nous un principe de vie divine afin qu'au jour unique et éternel nous puissions parfaitement être "divinisés" et entrer en la vie même de Dieu, chanter la gloire de Dieu, Père, Fils et Esprit Saint.

"Seuls sont enfants de Dieu ceux qui se laissent presser, pousser par l'Esprit de Dieu ! "
Veuillez y penser chaque matin... et, si vous le voulez bien,
avec, comme moi-même, votre tube de dentifrice ! Pourquoi pas ?

mardi 2 janvier 2018

Spectaculaire ?

4ème  Avent B 17-18  - 

 On a toujours un peu le goût du spectaculaire ! Et ce n’est pas nouveau !

La 1ère lecture nous parle d’un roi - David - qui habitait un palais de cèdre à Jérusalem. Or, l'Arche d'alliance, symbole de la présence de Dieu au milieu de son peuple, reposait encore, elle, sous une simple tente, comme au temps où les Hébreux étaient nomades dans le désert. David pense que ce n'est pas bien. Il décide la construction d'un Temple en l'honneur de Dieu. Pour Dieu, n'est-ce pas, rien n'est trop beau ! Il faut quelque chose de grandiose, de magnifique, et - pourquoi pas le dire - du spectaculaire !

En France, au Moyen Âge, on a construit de splendides cathédrales : rien n'était trop beau, trop riche pour Dieu !
A Rome, à la Renaissance, on a construit la basilique St Pierre et tout son environnement ; rien n'était trop beau pour Dieu !
Il fut un temps dans l'histoire de l'Eglise où les messes étaient devenues de splendides spectacles : rien n'était trop beau pour Dieu!
Mais Dieu, lui, qu'en pense-t-il ?

D'après le Livre de Samuel, le roi David s'ouvre de son projet à un homme inspiré de Dieu, le prophète Nathan. Celui-ci lui répond d'abord : “Tu as raison ton projet est très bon !”
Mais la nuit suivante, Nathan réfléchit à la lumière de Dieu. Et il conclut : ce qui fait avant tout la gloire de Dieu, ce ne sont ni de beaux temples, ni de belles cathédrales, ni de riches œuvres d'art... - toutes choses spectaculaires qui viennent d'un bon sentiment, qui ne sont pas mauvaises, mais qui ne sont pas l'essentiel aux yeux de Dieu -.
Ce que Dieu veut d'abord, c'est que son règne grandisse à l'intérieur des cœurs et des esprits, c'est que l'on bâtisse peu à peu un monde de justice et de fraternité, un monde qui soit le signe du Royaume de Dieu qui grandit.
Les plus beaux temples que Dieu veut habiter et qu'il faut lui préparer, ce sont nos cœurs, des cœurs aimants, disponibles à sa volonté, et ouverts aux autres. St Paul dira aux premiers chrétiens : Mais “le Temple de Dieu, c'est vous-mêmes !” (I Co. 3.17).

Mais cela, ce n'est guère spectaculaire. Et pourtant : “Il en est du Royaume de Dieu comme d'un cultivateur qui a jeté la semence en terre ; qu'il dorme ou qu'il soit debout, la nuit ou le jour, la semence germe et grandit, il ne sait comment ... ”. (Mc 4.26-27)

Dès ce soir, c'est la fête de la "Nativité du Christ" !.
Il y aura un peu partout de belles eucharisties joyeuses, ferventes ; et c’est bien !
Il y aura des fraternelles festivités familiales... ; et c’est bien !  
Mais redisons-le : l'essentiel, c'est que nous ouvrions nos cœurs à l'amour, à l'amour de Jésus-Christ et à l'amour de nos frères, et que le règne du Christ grandisse en nous et autour de nous. Oui, c'est en nous-mêmes que le Christ veut renaître et établir sa demeure.

Pensons à ce récit de l'ANNONCE A MARIE (Evangile). Que s'est-il passé exactement ce jour-là ?
Rien de spectaculaire ! Tout est resté dans le secret de Marie ; elle était dans de telles dispositions d'amour et d'accueil à tout ce que Dieu désirait qu'elle est devenue elle-même le Temple de Dieu pour donner à l'humanité son Sauveur : “L'Esprit-Saint viendra sur toi, et la Puissance de Dieu te prendra sous son ombre. C'est pourquoi l'enfant qui va naître de toi sera saint, il sera Fils de Dieu !”

Et, le jour de la NAISSANCE DE JESUS, rien de spectaculaire non plus : naissance d'un bébé dans une étable parce que l'hôtellerie du village affichait complet. Tout se réalise dans le silence, la discrétion. Seuls quelques pauvres bergers vont s'approcher ; ils seront les seuls à avoir la révélation de ce qui s'est passé.

Alors, il faut le redire : aux yeux de Dieu, ce qui compte surtout, ce ne sont pas les choses extraordinaires… Ce qui compte aux yeux de Dieu, c'est que le message d'amour du Christ, de fraternité et de paix se répande de plus en plus.
Ce qui compte aux yeux de Dieu, c'est qu'il y ait de plus en plus de cœurs, comme celui de Marie, ouverts à Dieu et aux autres, prêts à prendre des risques pour que l'humanité devienne de plus en plus belle, de plus en plus digne du Christ qui a voulu en faire sa demeure.

Tout au long de l'évangile, nous voyons Jésus faire appel à des gens simples, mais ardents, généreux : des pêcheurs, des publicains, des femmes peu considérées à l’époque.
On voit Jésus soulignant la valeur des moindres gestes, comme celui de cet enfant qui apporte cinq petits morceaux de pain pour nourrir des milliers de personnes. Presque rien ! Oui, mais ce “presque rien“, comme le plus petit geste d'amour gratuit, a une valeur immense.
Tout au long de sa vie terrestre, Jésus a repoussé la tentation du spectaculaire. Il n'a utilisé que des moyens pauvres, y compris la croix.
Il en sera ainsi tout au long de l'histoire de l'EGLISE. Au cours des siècles, chaque fois que l'Eglise a connu des périodes de puissance, ce furent aussi des périodes de tiédeur spirituelle et de décadence.
Et chaque fois au contraire que des chrétiens ont travaillé à la remettre dans le droit chemin de l'évangile, ce fut par un retour à la pauvreté, à la simplicité, à l'humilité. Voyez St Bernard, St François d'Assise, St Vincent de Paul..., Bernadette à Lourdes, Thérèse de Lisieux.
Le Royaume de Dieu ne progresse pas à coups de sensationnel, mais discrètement, dans le silence, dans la vie et le cœur, à la manière d'une semence qui germe et grandit sans qu'on s'en rende compte.

L'enfant de Bethléem que nous allons fêter est le meilleur symbole de la faiblesse, de l'impuissance, surtout quand on sait comment sa vie s'est terminée. Mais “ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes” (I Cor. 1.25).
Et de fait, depuis 2000 ans, le message du Christ a changé radicalement le cours des choses. Ce message d'amour gratuit qui va jusqu'au pardon, jusqu'au sacrifice, ce message qui reste une “Bonne Nouvelle“ pour les hommes de bonne volonté, ce message que nous allons entendre dès ce soir, ce message a déjà transformé le cours de l'histoire et purifié la conscience des hommes. Et cela continuera !

Ce message de Jésus, chaque fois que nous le mettons en pratique d'une manière ou d'une autre, en famille, au travail, en communauté de vie, dans nos divers engagements, ce n'est peut-être qu'une goutte d'eau aux yeux des hommes, mais c'est, aux yeux de Dieu, une perle précieuse et une avancée pour son Royaume.
Aucun acte d'amour n'est perdu pour le Christ. Chaque fois, c'est un peu plus de beauté que nous apportons au Monde nouveau et à l'Humanité nouvelle inaugurée par Jésus il y a 2000 ans.
Telle est la force de l'évangile (2ème lecture) : un levain capable de soulever le monde. C’est ainsi que le véritable temple de Dieu se construit !