samedi 24 février 2018

Nous serons transfigurés !


2ème Dimanche de Carême 18/B      

Nous venons de lire l’une des plus belles pages de l’évangile.
Sachons contempler cette scène que rapportent les trois synoptiques ! Nous devrions être fascinés, comme les trois apôtres privilégiés, par cette soudaine révélation de la gloire de Jésus.
Et notre foi en sera illuminée, notre espérance réchauffée !

Les trois apôtres eux-mêmes avaient gardé de cette vision - Jésus transfiguré - un souvenir inoubliable ! St Pierre en témoigne dans sa seconde  lettre :
"Ce n’est pas en suivant des fables que nous vous avons fait connaître la puissance et la venue de Notre Seigneur Jésus Christ, mais pour l’avoir vu de nos yeux dans tout son éclat. Car il reçut de Dieu le Père honneur et gloire quand la voix venue de la splendeur magnifique de Dieu lui dit : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé qui a toute ma faveur". Et cette voix, nous-mêmes, nous l’avons entendue venant du ciel quand nous étions avec lui sur la montagne sainte". (II Pier. 1/16sv).

St Marc qui nous rapporte les souvenirs de St Pierre écrit que “Jésus fut transfiguré devant eux. Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille”. St Matthieu est encore plus évocateur : “Son visage resplendit comme le soleil ; ses vêtements devinrent blancs comme la lumière”.

Ce qu’ils veulent dire, c’est que le Christ se manifesta alors tel qu’il était en réalité : en sa gloire divine ! Jésus est Dieu ! Et la gloire divine est son “état naturel”! Ce qui aurait dû être normal, c’est que cet état naturel, divin, rejaillisse sur son corps ! C’était par un miracle permanent que ce rejaillissement de gloire ne se produise pas. Mais Jésus le voulait ainsi pour qu’il puisse, en son corps, souffrir comme nous, afin qu’il puisse, par son corps, s’adapter à notre faiblesse.

Sa gloire demeurait donc voilée. Mais, pour un instant, à la transfiguration, cette gloire, déchirant son voile, rayonna librement, et les apôtres purent la contempler, éblouis.
Oui : éblouis ! Contemplons, nous aussi l’humanité du Christ transfiguré ! C’est ce qu’il y a de plus grand dans la création : c’est l’aboutissement de la création et le terme même du grand dessein de Dieu : l’humanité arrachée à sa condition périssable et vivifiée par l’Esprit de Dieu !

Voilà l’important. Car c’est à cette transfiguration que nous sommes destinés, c’est à cette transfiguration que le Christ, premier-né d’une multitude de frères, conformera les siens. “Il transformera notre corps si misérable à son corps glorieux” (Phil 3/21).

C’est pour cela que la transfiguration qui annonce la résurrection est pour nous la source d’une immense espérance, cette espérance qui, seule, donne son sens à notre vie chrétienne.
Nous aussi, un jour, nous serons transfigurés à l’image du Christ. Plus exactement, cette transfiguration est déjà mystérieusement commencée par la grâce.

Cette grâce, nous l’avons reçue en espérance à notre baptême. Jamais nous ne mesurerons parfaitement les merveilles signifiées et réalisées par ce sacrement : Dieu  met dans le baptisé les germes de cette gloire que les apôtres ont vue sur le visage du Christ. Et ce commencement de transfiguration atteint lentement notre être et nos activités jusqu’à une plénitude qui s’obtiendra dans le retour glorieux du Seigneur.

Tout cela est invisible, mais nous touchons cette réalité par la foi : “Votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. Quand le Christ, votre vie, paraîtra, alors, vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire” (Col 3/3-4).
             
Nous touchons cela par la foi ; et, parfois, nous l’expérimentons également comme sensiblement, mystiquement, diraient certains, par une élévation spirituelle qui dépasse nos forces humaines. A certaines heures de grâce qui est une ardente communion au Christ glorieux, rayonnant comme d’une irradiation intérieure, ne pourrions-nous pas affirmer comme l’apôtre Paul : “Nous sommes transfigurés avec une gloire toujours plus grande par le Seigneur qui est Esprit” (2 Co. 3/18).

Et cette transfiguration doit éclairer toutes choses, doit rénover le monde entier jusqu’à l’apparition de la "terre nouvelle" et des "cieux nouveaux". “Car la création attend avec une impatience la révélation des fils de Dieu ; livrée au pouvoir du néant, elle garde l’espérance : elle aussi sera libérée… pour avoir part à la gloire des enfants de Dieu.” (Rm 8/19-21)

Comme de telles paroles devraient nous élever et nous aider à assumer notre vie quotidienne parfois dure, douloureuse et parfois crucifiée à la lumière de ces grandes réalités splendides de notre vie chrétienne !

Citons encore St Jean, l’un des trois témoins de la Transfiguration : “Mes bien-aimés, dès à présent, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas été encore manifesté. Nous savons que, lorsqu’il paraîtra, nous lui serons semblables puisque nous le verrons tel qu’il est” (I Jn 3/2). J'aime à remarquer que l'apôtre bien-aimé exprime cette réalité mystérieuse par un magnifique jeu de mots : nous lui serons SEMBLABLES [evso,meqa (esométha)] parce que nous le VERRONS [ovyo,meqa (opsométha)]. Essayons d'avoir cette contemplation qui est un commencement de vision !

Et pour arriver à ce terme, Dieu nous ne nous donne qu’un seul conseil : Ecouter ! - “Tu désires voir, disait St Augustin, écoute d’abord” (Phrase que reprendra St Bernard) - “Voici mon Fils bien-aimé ! Ecoutez-le !”

samedi 17 février 2018

Tentation - Epreuve


1er Dimanche de Carême 18/B

- Nous entrons en Carême! Le Carême : quarante jours avant la fête de Pâques!
- L'Evangile nous dit aujourd'hui que Jésus séjourna au désert durant quarante jours, sans manger.
- Et dans la Bible, il est dit : le peuple hébreu, libéré de l'esclavage du Pharaon, séjourna quarante ans dans le désert, en route vers la Terre Promise.   
Carême et désert : un rapprochement qui nous a permis d'entrer en Carême au Mercredi des Cendres !

Ces rapprochements ne sont pas sans signification.
Mais  aujourd'hui, remarquons surtout deux similitudes frappantes :
- le lieu de l'épreuve : le désert,
- et surtout l'épreuve elle-même.
    * Jésus demeura quarante jours dans le désert; et là, il fut tenté.
   * Les Hébreux séjournèrent dans le désert durant quarante ans : et là, eux aussi avaient été tentés.

Tenter veut dire "mettre à l'épreuve". Pas toujours, et pas nécessairement solliciter quelqu'un en vue du mal, en l'alléchant par de fausses promesses. Parfois, cela arrive. Et nous sommes parfois, malheureusement, les acteurs de ces sortes de tentations auprès de nos frères !
 Mais, plus positivement, tenter veut toujours dire : placer quelqu'un dans une situation difficile, voire pénible, afin de vérifier quelle est sa capacité d'endurance, son courage, sa patience et surtout sa fidélité.

Bien entendu, il y aura toujours un choix, une alternative entre la fidélité et la désobéissance, entre la vérité et le mensonge, entre le courage et la lâcheté, entre l'égoïsme et la générosité. Mais c'est surtout la fidélité, le courage, l'endurance que l'on désire vérifier pour aguerrir quelqu'un en vue d'une situation précise, en vue d'un travail à fournir… C'est en ce sens qu'il faut comprendre les mots "tentation", "épreuve".
Dieu ne nous met-il pas à l'épreuve en vue de mieux communier avec lui?

De plus, remarquons que les trois tentations, épreuves auxquelles le Christ accepte d'être soumis ressemblent étrangement aux trois tentations, aux trois épreuves que le peuple hébreu a subies durant son séjour au désert.    D'ailleurs, il faut souligner que les trois réponses de Jésus à Satan commencent par: "Il est écrit". A chaque fois, c'est une allusion aux épreuves du désert : la faim, la superstition, l'usurpation.  

Première tentation du Christ : "Si tu es le Fils de Dieu, dis que ces pierres deviennent du pain". Or nous lisons dans l'Histoire Sainte, dans le Deutéronome (8. 2-3) :   "Tout ce que je vous commande aujourd'hui, vous aurez soin de le mettre en pratique, afin de vivre, de prospérer et d'entrer en possession du pays, la terre promise…  Rappelle-toi tout le chemin par lequel le Seigneur t'a fait marcher durant ces quarante années dans le désert…  Il t'a humilié, il t'a affamé, puis il t'a nourri de la manne, afin de t'apprendre que l'homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui sort de la bouche du Seigneur".  
C'est donc l'épreuve de la faim par laquelle Dieu a fait passer son peuple afin d'éprouver sa confiance. Mais la suite de l'histoire nous apprend que le peuple a murmuré, il a regretté le temps où, malgré l'esclavage, il était mieux nourri. Au contraire, le Christ, lui, s'est entièrement confié en Dieu qui donne la vie. Et un jour, il a pu dire : "Ma nourriture, c'est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé".
C'est l'occasion d'une première réflexion : certes, il faut savoir se nourrir de différentes façons, et bien se nourrir afin d'être mieux disposés aux autres, à son travail… Mais il y a une nourriture que, parfois, nous négligeons : "faire la volonté du Père".

Deuxième tentation : "Jette-toi en bas, les anges te porteront". Réponse: "Il est écrit: vous ne mettrez pas Dieu à l'épreuve".   Et nous lisons dans l'Exode (Ex. 17.1-7) :  "Au désert, il n'y avait pas d'eau à boire, Alors ils cherchèrent querelle à Moïse. Donne-nous de l'eau. Il leur dit : Pourquoi voulez-vous provoquer Dieu et lui lancer un défi ? Pourquoi dites-vous : Dieu est-il, oui ou non, avec nous ? Vous ne mettrez pas Dieu à l'épreuve…"    En réalité, Dieu, lui, est toujours fidèle ; ce n'est pas à nous à le défier, le sommer d'agir ; c'est à lui à nous mettre à l'épreuve. Le Christ a surmonté la deuxième tentation en se laissant éprouver et en se soumettant à son Père.  
Sachons réfléchir : nous aussi, nous revendiquons facilement : Dieu devrait faire ceci, cela… On ne comprend pas les façons d'agir de Dieu. Evidemment, Dieu est tellement au-dessus de nous. Et si on ne comprend pas, alors on cite Dieu en jugement. Faire cette inversion est une tentation permanente : Dieu que l'on somme de s'expliquer… et parfois à propos de tout et de rien…
             
Troisième tentation : "Je te donnerai tous les royaumes de la terre si tu te prosternes pour m'adorer". Et Jésus répond : "Il est écrit : Tu adoreras le Seigneur et tu ne serviras que lui seul".   Et on lit encore dans l'Histoire Sainte (Ex. 32.1) : "Le peuple s'attroupa autour d'Aaron et lui dit : «Allons, fabrique-nous un dieu qui marche à notre tête». Ils ôtèrent ensuite leurs anneaux d'or, et les apportèrent à Aaron qui en fit un veau de métal fondu. Alors ils dirent: «Voici notre Dieu qui nous a fait sortir d'Égypte». Puis ils offrirent des sacrifices et se livrèrent à des réjouissances".   C'est la tentation de se faire un dieu maniable, rassurant, un dieu que l'on emmène avec soi au combat, dont on se sert pour conquérir des pays, avec qui on traite, on marchande. "Tout cela je te le donnerai si tu m'adores".
Or le Dieu révélé en Jésus-Christ. ne se prête pas à un tel commerce. Il nous demande seulement de bien vouloir le suivre : "Viens, suis-moi", sans réserve : avoir foi et confiance.   

Et telle a été la réponse de Jésus. Il est confronté aux mêmes choix que le peuple hébreu. Il les revit, mais en sens inverse. Voici le texte de la Bible qu'il cite (Deut. 6.12-15)  : "Garde-toi d'oublier le Seigneur qui t'a fait sortir de la servitude d'Égypte. Tu respecteras le Seigneur, ton Dieu, tu lui rendras ton culte…. Tu ne suivras pas d'autres dieux… …".    Jésus refuse le marché de l'idolâtrie qui lui est proposé : le faux Dieu est celui à qui on achète la puissance en la troquant contre l'adoration. Le vrai Dieu est adoré inconditionnellement.
A nous de nous interroger : n'avons-nous pas, parfois, un culte, une piété, une prière conditionnelles : si Dieu fait ceci, si j'obtiens cela, alors j'irai adorer Dieu, j'irai me prosterner devant lui…   

Si le Christ n'a pas échappé à la tentation, à l'épreuve, comment pourrait-on s'imaginer que nous puissions en faire l'économie ? Toute la vie du Christ, en son humanité, est un exemple pour nous. Or c'est en choisissant d'être serviteur, non point dominateur, qu'il a sauvé l'humanité.   
Le chrétien ne pourra être à la hauteur de cet exemple que s'il parvient, fût-ce timidement, et vaille que vaille, à s'abaisser et se faire serviteur et devant Dieu et devant les hommes.

mercredi 14 février 2018

Carême - Désert !


Le Carême !
Carême, quarante jours !
Ce chiffre 40 fait référence aux 40 années passées au désert par le peuple d’Israël afin de faire la "Pâque", le passage de la servitude en Egypte au service du Dieu unique [1].

Ce chiffre renvoie aussi aux 40 jours passés par le Christ au désert entre son baptême et le début de sa vie publique.
Il est dit en effet : "Jésus, rempli d’Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain ; dans l’Esprit, il fut conduit à travers le désert où, pendant quarante jours, il fut tenté par le diable". (Cf Luc 4.1-13).
Mais pourquoi donc  le Christ quitte-t-il la luxuriance du Jourdain et la foule qui y est venue voir et écouter le Baptiste ? Pourquoi Jésus va-t-il au désert, vers la tentation et vers le mal ? 

C'est que le Salut que le Fils de Dieu est venu apporter avec la force de l’Esprit a eu un prix. Ce prix, ce fut de prendre toute notre condition humaine, avec toutes ses conséquences.
Jésus, certes, ne courait pas tant vers la tentation que vers la victoire. Mais la victoire doit passer par la tentation, car Dieu a voulu venir nous chercher jusqu’au cœur de la tentation qui est nôtre, puis de la mort, conséquence de nos chutes !
La miséricorde de Dieu n'est pas seulement une parole décisive ; elle est acte, action. Dieu vient jusque dans l'activité de nos "déserts", là où nous sommes tentés, là où nous succombons parfois !

Nous rêvons parfois d’une vie spirituelle, d’une vie dans l’Esprit Saint, qui nous conduirait
plutôt vers les eaux du repos que dans l’aridité du désert,
plutôt vers la douceur de la consolation plutôt que vers la brûlure de la tentation.
Or, la tentation est bien nôtre ; et elle est un combat !
Et Jésus a voulu nous rejoindre, a voulu prendre ce chemin du combat qui nous est si familier !

Ainsi donc, toute vie spirituelle qui mène à une profonde délivrance du mal passe par le désert - lieu de tentation -. Mais, là même, Jésus est présent. Il est venu dans notre désert pour que nous menions combat avec lui !

Recevoir l'aide de Jésus en nos déserts - recevoir la Miséricorde de Dieu en nos lieux de tentation - est une grande grâce ! Mais cette réception n'est pas toujours chose facile. C'est même un combat.  Jésus l'a bien précisé : "Le Royaume de Dieu souffre violence, et ce sont les violents qui s’en emparent" (Mth 11.12).
Que notre ardeur chrétienne nous conduise, en ce temps de Carême, en compagnie de tous ces violents que furent les Saints !

Le carême est un temps de désert, lieu de la rencontre intime avec Dieu, lieu du silence, du cœur à cœur avec Jésus qui vient en notre "désert" pour lutter avec nous ! 
Chacun est invité à se rendre disponible, attentif, accueillant à la présence du Christ, à ses appels. Il ne s’agit pas d’abord de faire des choses, mais de se laisser faire, transformer, aimer par le Christ, de s’ouvrir à sa présence créatrice et re-créatrice, de re-découvrir la grâce de notre baptême, de notre "Pâque", de notre "passage" de la "servitude" du monde au "service" de Dieu !

Le carême est donc un temps de désert, lieu de la solitude, du face-à-face avec soi-même. Sous le regard miséricordieux du Christ présent en nos "déserts", chacun est alors invité à se poser les questions essentielles : quel est mon péché, c’est-à-dire ce qui me coupe de Dieu et des autres ? Quel est le sens de ma vie ?


Et pour terminer, je vous invite à méditer le parcours des Hébreux dans le désert durant quarante années ! Parcours qui les fit sortir de la "servitude" en Egypte au "service" de Dieu conclu en l'Alliance du Sinaï.

Mais comme le désert est incommode (Le "désert de la vie" aussi !)
Alors les Hébreux "râlent", parce qu'ils ne trouvent plus d'eau, autrement dit, un minimum de confort, quand même !
Ex 15. 22-27 - "Quand ils arrivèrent à Mara ils ne purent boire l'eau de Mara, car elle était amère, c'est pourquoi on l'a appelée : Mara. [2]
"Le peuple murmura... !" -
 Normal ! Dans la vie, on râle... souvent !
"...contre Moïse en disant : "Qu'allons-nous boire ?" -. Moïse cria vers Dieu, et Dieu lui montra un morceau de bois. Moïse le jeta dans l'eau, et l'eau devint douce...!".

Alors, "Dieu dit : « Si tu écoutes !" ("Shema Israël !") :
C'est le premier commandement qui a été donné : "écouter" ! Le contraire d'écouter dans la Bible (d'après le. P. Couroyer o.p.), c'est "avoir la nuque raide" ! Tendre l’oreille ou avoir la nuque raide… le peuple est souvent accusé d’avoir la nuque raide : ne pas savoir écouter !  [3]
Les rabbins disent (mais Aristote, déjà - "De natura rerum") que nous avons deux oreilles et une seule bouche. - Conclusion : on devrait écouter beaucoup plus qu'on ne parle ! La bouche peut être fermée deux fois (par les dents et par les lèvres), mais on ne peut pas fermer les oreilles.
Chez Isaïe, ce qui est important ce n'est pas tant la bouche, c’est l’oreille :
"Le Seigneur Dieu m'a donné une langue de disciple pour que je sache apporter à l'épuisé une parole de réconfort. Chaque matin, il éveille mon oreille pour que j'écoute comme un disciple. Le Seigneur Dieu m'a ouvert l'oreille, et moi je n'ai pas résisté, je ne me suis pas dérobé". (Is 50.4-5).
Il y a aussi :
Ps. 40.7 : "Tu n’as voulu ni oblation, ni sacrifice. Tu m'as ouvert l'oreille", tu m'as creusé l'oreille ! [4]

Ex 15. 26 : "Si tu écoutes la voix du Seigneur…"
Dans le document qui est au début de la Liturgie des heures, on dit que quel que soit le sujet pour lequel on se réunit, quand on est chrétien, on devrait commencer par l’écoute de la Parole et la prière !
"...Si tu écoutes..., si tu prêtes l'oreille…, tous les maux que j'ai infligés à l'Egypte, je ne te les infligerai pas, car je suis Dieu, celui qui te guérit". [5]

"Ils arrivèrent à Elim où se trouvent douze sources et soixante-dix palmiers, et ils y campèrent au bord de l'eau !".
Cela évoque une des images bibliques qui revient le plus souvent : Dieu sous les apparences d’un berger.
Ps 23 : "Le Seigneur est mon Berger, rien ne me manque ; sur des prés d'herbe fraîche, il me parque ; vers les eaux du repos, il me mène, il y refait mon âme !"
On fait l'expérience de la providence d'un Dieu qui s'occupe, comme le bon pasteur, des brebis qu'Il connaît chacune par son nom propre.

Bonne continuation de lecture en ce temps de Carême !




[1]  "servitude" -" service" : même jeu de mots en hébreu : "avdout" - "avoda"

[2] "Mara" veut dire amère :
- Noémie, quand elle rentre du pays de Moab, dit aux gens de Bethléem : "Ne m'appelez plus Noémie (l'agréable) ; appelez-moi Mara, parce que Dieu m'a rendu la vie amère" (Rt 1,20).  
- Au roi Ezékias, malade ; Isaïe lui dit : tu n'en as plus pour longtemps et le roi lui répond : "mar li mar" - C'est "amer pour moi, amer !' (Is 38,17) ce qui, au fond, veut dire : " j'en ai marre !"  
- Ps 95,8 : "N'endurcissez pas vos cœurs comme à Meriba (= dispute), comme au jour de Massa (= tentation - Massa = Mara, amertume) dans le désert".

[3]  Cf.  sculpture de l'aspic qui se bouche une oreille contre le sol, et l'autre avec sa queue !

[4]  A remarquer : Dans les Septante... et la lettre aux Hébreux,
non pas : "Tu n’as voulu ni oblation, ni sacrifice. Tu m'as ouvert l'oreille",
mais : "Tu n’as voulu ni oblation, ni sacrifice. Tu m'as formé un corps" (Heb 10.5) (Sept : "Alors, je viens !").   Comment est-on passé de l'oreille au corps ?
Il parait que le premier organe sensible qui vient à éclosion dans l'embryon, c'est l'oreille (Cf. Dr Tomatis).
- Une chose est certaine : la Parole de Dieu qui entre par les oreilles doit descendre jusqu'au fond des entrailles
(Ps 40,9  : "Mon Dieu, j'ai voulu ta loi au profond de mes entrailles")
- Et elle entraîne comme un rebondissement de tout l’être dans l'action de grâce,.
- L’incarnation - "Le Verbe de Dieu s'est fait chair" -, dans cette perspective-là, montre que la Parole divine demande à être appropriée jusqu'à l'incarnation.

[5]  Ici le mot, c’est "rapha" ; "rophé", c’est le médecin -. On en parle dans le livre de Tobie : Tobie guérit son père aveugle, Tobit, par l'intermédiaire de l'archange Raphaël. - Rapha El : Dieu guérit !
Le livre de Tobie est le seul à parler de l’archange Raphaël.

samedi 10 février 2018

Le lépreux


6ème T.O 18/B -

Il y a comme un double mouvement dans ce court récit de l’évangile d’aujourd’hui.
- Au début, nous voyons un exclus qui n’ose s’approcher ; et, à la fin du récit, il parle ouvertement aux autres.
- Au début, Jésus parle ouvertement en public. A la fin du récit, il évite les lieux habités : “Il n’était plus possible à Jésus d’entrer ouvertement dans une ville”.

I -         Oui, le lépreux, déjà victime d’une pénible maladie, est, pour de confuses raisons humaines et religieuses, l’”exclu” par excellence. Loin de Dieu et loin des hommes, le lépreux est l’”impur” par excellence. Sa maladie est un châtiment divin.
Et Jésus, le “Pur” par excellence, se penche sur l’”Impur”.
“Pris de compassion”, Jésus souffre de la souffrance du lépreux. Il va jusqu’à “toucher” le lépreux”, cet “intouchable” !

Et cette “compassion” du Seigneur va rendre à cet homme toute sa dignité : il peut aller vers les prêtres, vers les autres. Il est ré-introduit dans la société. En quelques instants, il fait une ascension fulgurante.
           
Tandis que Jésus, lui, par son geste et ceux qui suivront, commence à se mettre “hors-société”. “Il était obligé d’éviter les lieux habités”.
Jésus touche le lépreux et le mal change alors de camp, au point que la vie de Jésus est passée au lépreux, et la lèpre - c’est-à-dire la ségrégation, le mal - est passée sur Jésus !

II -        Mais la lèpre, par sa ténacité, sa virulence, sa contagion, n’est-elle pas le signe du péché ?
Et, nous sommes tous, à ce propos, des lépreux. Le péché colle à la peau de l’homme comme une lèpre. Nous en sommes tous atteints. St Jean affirmera : “Si nous disons : ‘Nous n’avons pas de péché’, nous nous égarons, et la vérité n’est pas en nous”. Et d’une telle maladie qui nous guérira, qui nous relèvera ?

Jésus, le “Saint” par excellence, lui, de condition divine, dira St Paul, il est descendu jusqu’à l’homme ! “J’ai vu la misère de mon peuple…, et je suis descendu pour le délivrer” (Ex 3/7). Par l’Incarnation, Dieu manifeste son infinie bonté par la vibration d’un cœur humain : Jésus, est toujours “pris de compassion”, c’est-à-dire “souffre avec”.
           
Jésus veut nous “toucher”, pour nous purifier, nous élever ! Oui, Jésus s'approche, il vient sur cet autel vers nous. Nous le recevrons, il se laissera toucher (corps et cœur). Et le toucher de Dieu nous guérira, nous élèvera à la dignité de “fils de Dieu”; Nous pourrons légitimement nous adresser à Dieu en disant : “Père” ; et nous aurons une multitude de frères ; nous serons ré-introduits dans la société même de Dieu, dans la Jérusalem céleste.
           
Mais n’oublions pas que Jésus, en nous touchant, s’est fait, à notre place, l’”exclus” par excellence : Le “sans-péché, s’est fait péché et il mourra, abandonné, hors de Jérusalem, hors de la ville. Et dès lors, et toujours, et aujourd’hui, il est plus ou moins un “hors-la-loi” pour les hommes. Jésus Christ n’a pas toujours “bonne presse” et ses disciples non plus !

III -       Mais il y a encore une troisième lecture que nous pouvons faire de ce merveilleux petit récit :
Car il y a toujours actuellement, dans notre société, des “lépreux”, des exclus, des “laissés pour compte”, hommes, femmes, victimes de la méfiance et des préjugés, hommes, femmes dont on se détourne et dont on préfère ignorer l’existence.
           
Et nous que le Christ a transformés en lui, appelés à être de plus en plus à son image, n’est-ce pas à nous, désormais, à la place du Christ, de “toucher”, de “tendre la main” pour effacer d’un coup les idées reçues, pour remettre debout l’homme écrasé par la souffrance. Oui, ayons ce geste : une parole, un regard, une simple attitude peuvent rendre la dignité à un homme qui se sent exclu d’une manière ou d’une autre.
           
Oui, que notre bonté, à l’exemple de celle du Christ, soit “compatissante”, c’est-à-dire proche de la souffrance. Notre charité ne doit jamais être condescendante, mais ascendante ; elle doit anoblir en reconnaissant la valeur de tout homme aux yeux de Dieu.
           
Pour cela, certes, comme le Christ lui-même, il faudra se sacrifier, se renoncer, se gêner. Tendre la main à son frère suppose renoncement…
Pour cela, comme le Christ, nous ne serons pas toujours compris par notre société moderne ; on pourra parfois être jugés “hors-la-loi”, hors normes administratives, hors idées reçues, et cela au sein même de notre famille humaine ou spirituelle.
           
Mais le disciple n’est pas plus grand que son maître !

Cependant nous savons ce qui en résultera : “le lépreux, une fois guéri, se mit à proclamer et à répandre la Nouvelle”, la “Bonne Nouvelle” du salut de Dieu pour tout homme : Le Fils de Dieu est descendu jusqu’à l’homme pour que l’homme soit élevé en fils de Dieu ! Allons, nous aussi proclamer par nos paroles, par nos actes et par toute notre vie la Parole de Dieu, source de salut pour tout homme.

vendredi 9 février 2018

La neige ! !


"Es-tu entré dans les trésors de la neige ?" (Job 38.22)

En ces jours de neige, tout à la fois merveilleux et contraignants, il nous est bon de méditer la Parole de Dieu.
Je me permets de vous livrer ma petite réflexion..., très rapidement, car, avec la mémoire qui commence à s'évanouir, elle risque fort, ma réflexion, de fondre comme neige au soleil !

"Es-tu entré jusqu'aux réserves (dans les trésors) de la neige ; et les dépôts de grêle, les as-tu aperçus ?", demande Dieu à Job qui tente en vain de comprendre le malheur qui le touche.
La seule réponse de Dieu est
le silence immense et mystérieux de la neige
et sa beauté qui dépasse l’intelligence de l’homme.

La beauté ! Elle est toujours, disait M. de Sales, prince-évêque de Genève et cependant fondateur des Visitandines, "la signature de Dieu".
Qui, en effet, n’a pas été un jour à la fois ébloui par la splendeur et la force de la création et émerveillé devant la bonté du Créateur ? 

- La neige est l’image silencieuse de la Parole de Dieu qui ne revient pas à lui sans avoir fécondé le cœur de l'homme. Ainsi, la neige - comme la pluie - vient féconder la terre qui finalement fournit le pain à l’homme ; "La pluie et la neige descendent des cieux et n’y retournent pas sans avoir arrosé, fécondé la terre, et fait germer les plantes, sans avoir donné de la semence au semeur... et du pain à celui qui mange". (Is. 55, 10). La neige est un message silencieux de Dieu Créateur..., de Dieu Rédempteur !

- Mais la neige est aussi pour l'homme, paradoxalement, symbole du péché et de la mort !
+ Après sa faute, Myriam (sœur de Moïse), "fut frappée d’une lèpre, blanche comme la neige" (Nb 12, 10.) « 
+ En pareille circonstance, Guéhazi, disciple d’Elisée, le quitta "lépreux et blanc comme la neige"  (2 R 5, 27)
+ Le livre de Job dit encore : "Comme la sécheresse et la chaleur absorbent les eaux de la neige, ainsi le séjour des morts engloutit ceux qui pèchent !"  (Job 24,19), 

- Mais, en contraste, la neige est encore le symbole de la grande miséricorde de Dieu : il peut purifier le cœur de l'homme et le rendre  "blanc plus que la neige"  ((Ps. 50). Dieu promet :  "Quand vos péchés seraient comme l'écarlate, comme neige ils blanchiront ; quand ils seraient rouges comme la pourpre, comme laine ils deviendront". (Is 1.18). (A noter : Le vêtement du Grand-prêtre au jour "Jour du Grand Pardon" était couleur de la neige comme celui des prêtres).

La neige !
Symbole de Dieu, Créateur admirable.
Symbole du péché du monde...,  de la mort qui en résulte...
Et, définitivement, symbole de Dieu Rédempteur en sa grande miséricorde

J'aime alors relire le poème de Jacques Prévert :
"Regardez la neige qui danse
Derrière le carreau fermé...
Qui, là-haut, peut bien s'amuser
À déchirer le ciel immense
En petits morceaux de papier ?

Dans la nuit  de l'hiver 
Galope un grand homme blanc 
C'est un bonhomme de neige
Avec une pipe en bois 
Un grand bonhomme de neige
Poursuivi par le froid 

Il arrive au village.
Voyant de la lumière 
Le voilà rassuré. 

Dans une petite maison 
Il entre sans frapper 
Et pour se réchauffer 
S'assoit sur le poêle rouge, 

Et d'un coup disparait 
Ne laissant que sa pipe 
Au milieu d'une flaque d'eau 
Ne laissant que sa pipe 
Et puis son vieux chapeau". 

Peut-être que, nous aussi, nous faut-il fondre au soleil de l'Amour de Dieu.
Ne laissant qu'une pipe et un chapeau, nos misères terrestres.
Mais Dieu nous illuminera, nous englobera de sa Lumière qui nous rendre "plus blancs que neige" !