vendredi 30 mars 2018

Dieu aime l'homme !


Vendredi-Saint 2018 -

"Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul. S'il meurt, il donne beaucoup de fruits" (Jn 12/ 24).

En ce Vendredi Saint, nous voyons Jésus réaliser cette parole par sa mort sur la croix. Car sa mort ne peut nous faire oublier la puissance d'amour qui se révèle dans ce grand et unique geste d'offrande, accompli pour la multitude des hommes.

Il faut se le redire : Dieu aime l'homme ! N'est-ce pas la raison de son incarnation ! Par amour, il a voulu rejoindre l'homme, le rejoindre dans ce qu'il porte, supporte de plus misérable...
- Aussi Jésus - le Fils de Dieu - naît dans l'infortune d'une crèche comme le plus pauvre des pauvres.
- Aussi, en sa vie publique, vit-il dans le dénuement extrême, n'ayant pas de lieu où reposer la tête (Mth. 8. 19-22).
- Aussi meurt-il dans la détresse d'un exclu mis à mort comme un insecte écrasé !
Oui, de la naissance à la mort, il a voulu, par amour, rejoindre l'homme, et surtout l'homme en détresse, l'homme terrassé, l'homme pécheur !

Aussi, durant toute sa vie terrestre, Jésus a répondu en toute vérité aux attentes des hommes.
Proche des malades, de ceux qui souffrent, de  ceux que traversent angoisses et doutes, il a donné ce souffle de vie qui relève, dans la foi et l'espérance, il a essayé d'éclairer les esprits et les cœurs, de montrer le chemin du bonheur, le chemin vers Dieu.

Mais l'amour dérange toujours ; et tout cela va le conduire à la croix, à l'échec apparent. Mais cet échec humain contient une semence divine qui a germé, grandi comme le grain de blé, pour que la vie de Dieu s'implante et s'épanouisse en tous.

En Jésus, immolé sur le bois du supplice, nous avons devant nous le Serviteur, celui du lavement des pieds et de la cène, qui prend sur lui Ie péché du monde, la souffrance, les misères de toutes sortes, non "pour les expliquer mais pour les remplir de sa présence."

Et par sa résurrection, Jésus prouve qu'il est le maître de toutes les calamités, et qu'en lui "Dieu a les issues de la mort elle-même" (Ps 68.21), de sorte que désormais, tout homme - et l'homme le plus malheureux - peut chanter avec foi, espérance et avec un amour qui répond à l'amour de Dieu : "Non, je ne mourrai pas, je vivrai et je chanterai les œuvres du Seigneur !" (Ps 11..17)

"Tournons nos yeux vers celui qui est transpercé" !
N'oublions pas la parole de Paul : "nous annonçons la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il revienne".

Notre vie de disciples du Christ n'est donc pas facile.
Nous sommes appelés à porter la croix au service de son Règne en faisant grandir la paix, la justice, le pardon, la vérité qui en sont les signes.
La victoire du Christ est notre foi, notre espérance.
Que son intercession fasse, de nous, des témoins de la gloire de Dieu offerte à tous, d'abord dans l'obscurité du Vendredi Saint puis dans la lumière de Pâques.

Pas de "Koinonia" sans "diaconia"


Jeudi-Saint 2018      

Les deux gestes du lavement des pieds et du partage du pain expriment la même attitude du Seigneur :
- Pendant le lavement des pieds nous chantons une vieille hymne chrétienne : “Là où est l'amour, là est Dieu”.        
-  En “faisant l'Eucharistie” nous “réalisons” par la présence “réelle” du Seigneur, la promesse du Seigneur : “je suis au milieu de vous.”

Et ce double geste accompli par le Seigneur Jésus le soir du premier Jeudi Saint nous enseigne qu'il n'est pas de communauté sans service, (de "koinonia" sans "diaconia").
En lavant les pieds de ses disciples le Christ prend le rôle de Serviteur.
En partageant le pain - son corps - le Christ s'identifie au Serviteur  souffrant.

Dans les 2 cas, il est au service de la Communauté
que sa vie publique a réunie autour de lui,
que sa mort va disperser,
que sa résurrection va faire éclater comme un germe.

Toute responsabilité dans l'Eglise est un service.
Il y a là une révélation, une révolution.

Sans doute les “bons Empereurs” des premiers siècles (et d’autres après eux) se disaient, se voulaient “serviteurs de l'Empire”.
Mais qu'il y a loin de leur autorité consciencieuse et dévouée au sacrifice du Christ que nous célébrerons demain !

- Chaque fois qu'un prêtre prononce les paroles : “Ceci est mon corps..., mon sang...”, il s'identifie dans une certaine mesure à celui qui le premier les prononça. Sa vie doit être aussi donnée à ses frères que la vie du Christ lui-même. Quelle mission !
- Chaque fois qu'un chrétien participe au corps et au sang du Christ il répond “Amen”, non seulement pour affirmer sa foi en la présence réelle du Seigneur, mais .pour s'engager lui aussi à mourir pour ses frères, car “il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime”.

Toute la doctrine du "Corps mystique" du Christ élaborée par S. Paul est déjà présente en action ce soir-là au Cénacle,
soit dans l'humble service du lavement des pieds,
soit dans le partage du pain et du vin.

Depuis Vatican II, on parle beaucoup d'une “Eglise servante et pauvre”. Ce n'est pas là une mode passagère, une manière démagogique de s'adapter aux goûts du jour. C'est bien plutôt la redécouverte de sa vocation originelle et profonde.

Seigneur,
que le rite du lavement (des pieds) que nous allons accomplir,
que le sacrement de l'Eucharistie que nous allons célébrer
expriment vraiment notre volonté
de nous servir les uns les autres,
et de nous aimer les uns les autres.

dimanche 18 mars 2018

Désirer... pour voir !


 5e Dimanche de Carême 18/B

Quelques Grecs, sympathisants à l'égard de la religion juive, étaient montés à Jérusalem pour participer au pèlerinage pascal.
Ils demandent à "voir Jésus".  
C'était la démarche des Mages : "Nous voudrions voir le Messie" (Cf. Mth 2).  Ce sera celle de Zachée qui monte sur un arbre pour mieux "voir Jésus qui allait passer" (Cf Lc 19).
Et celui qui a vu - "ce que nous avons vu, ce que nous avons contemplé du Verbe de vie…", dira St Jean (I Jn 1.1-4) - invite toujours son frère à venir voir : "Viens et vois" (Jn 1.46), dira Philippe à Nathanaël auquel Jésus fera cette promesse : "Tu verras des choses bien plus grandes encore" (Jn 1.50).
           
"Voir", "Voir Jésus" !
Pour St Jean, ce n'est pas simplement "regarder" une personne.
C'est, pour lui, une perception plus profonde : parvenir, sous les apparences changeantes de l'existence, à une communion profonde avec Dieu, qui, un jour, sera parfaite : "Ce que nous serons n'a pas encore été manifesté, dira-t-il : nous serons semblables à Dieu puisque nous le verrons tel qu'il est" (I Jn 3.2).
           
Mais comment verrons-nous ?
Ecoutez St Paul : "Aujourd'hui, nous voyons comme dans un miroir… Mais alors, je connaîtrai comme je suis connu" (I Co. 13.12).
Quand on sait comment Dieu nous connait, au dedans, à l'intérieur de notre être - parce qu'il est le Créateur - ...,
quand on sait que Lui seul voit au plus profond de nous, beaucoup mieux que nous - car Lui seul sait ce qu'il y a dans le cœur de l'homme - (Cf. Prov 19.21 - Lc 16.15)..., a
lors nous imaginons ce que St Paul veut dire : Je connaîtrai Dieu "au dedans même" de Dieu, comme lui-même me connaît au plus profond de moi-même.

Je verrai Dieu comme il se voit !
Dieu se voit éternellement en son Fils. Et déjà, il nous donne le pouvoir de le recevoir en nous-mêmes : "Ce n'est plus moi qui vis, disait l'Apôtre, c'est le Christ qui vit en moi" (Gal 2.20).
Le Père engendre son Fils éternellement. Et ce "Fils nous a été donné" ! (Cf. Is 9.6 ; Lc 2.11).
Ainsi, nous participons, déjà et un jour parfaitement, à la génération du Fils de Dieu en nous-mêmes. "Je veux, dira Jésus, qu'ils soient avec moi, pour qu'ils contemplent la gloire que tu m'as donnée, parce tu m'as aimé avant la création du monde" (Jn 17.24).
 Dès notre baptême, Dieu brille déjà dans nos cœurs de la gloire qui est sur la face de son Fils… !

Aussi, dès que l'on entrevoit cette lumière divine, on comprend ce cri de Ste Thérèse d'Avila : "Je veux voir Dieu".
On comprend cet envie du paradis que St Augustin voulait communiquer : "Nous verrons un spectacle, frères, que l'œil n'a pas vu, que l'oreille n'a pas entendu, qui n'est pas monté au cœur de l'homme… , un spectacle qui surpasse tout ce qu'il a de beau sur la terre."
           
Et tous les Saints exulteront à cette phrase de St Jean : "Le voyant, nous lui serons semblables" ! -
"Nous le reconnaîtrons, méditera St Jean de la Croix, et en le reconnaissant, nous connaîtrons en même temps ce qu'il a fait de nous. Nous saurons que nous sommes en Dieu :
Allons nous voir en votre beauté, Seigneur.
Efforçons-nous de nous voir en vous, en votre beauté.
Cela aura parfaitement lieu quand vous m'aurez transformé en votre beauté.
Alors, je vous verrai vous-même en votre beauté; et vous me verrez en votre beauté. La mienne sera la vôtre; et la  vôtre sera la mienne.
En elle, je serai vous ; et en elle, vous serez moi, parce que votre beauté même sera mienne.
Telle est l'adoption des enfants de Dieu qui diront ce que le Fils lui-même déclare à son Père : « Père, tout ce qui est à moi est à toi, et tout ce qui est à toi est à moi »".
           
Pour le moment, nous ne pouvons voir : que toute notre fonction soit donc de désirer ! La vie entière du véritable chrétien est un saint désir : le désir de voir Dieu.
Ce que nous désirons, nous ne le voyons pas encore parfaitement. Mais le désir nous rend capables, lorsque viendra la vision, d'être comblés. Dieu, en différent le moment de la vision, tend le désir ; et, par le désir, étire l'âme, et, en étirant le désir, agrandit sa capacité.
Voyez St Paul : oubliant le chemin parcouru, dira-t-il, il va droit de l'avant, tendu de tout son être ; et il court vers le but en vue du prix de la vocation céleste (Cf Phil 3.13). C'est qu'il se sent encore trop petit pour contenir ce que l'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce qui n'est pas monté au cœur de l'homme !
           
Voilà notre vie : nous exercer par le désir. Et le désir nous exerce dans la mesure où nous élaguons nos désirs en y retranchant notre amour propre, notre amour de nous-mêmes.
 Nous devons être remplis de Dieu ; alors, il nous faut nous vider de tout ce qui n'est pas Dieu !
           
"S'aimer soi-même, c'est se perdre", nous dit Jésus aujourd'hui, "se détacher de soi-même en ce monde, c'est se garder pour la vie éternelle".  Se détacher de soi-même, c'est se sacrifier pour Dieu et pour ses frères.
C'est suivre l'exemple du Christ. Aussi, aux Grecs qui désirent le voir, Jésus répond : "Elle est venue l'heure où le Fils de l'homme doit être glorifié". Jésus signifie qu'il entre dans sa Passion, dans cette "heure qui fait voir" : On ne saurait véritablement "voir Jésus" qu'à la lumière de cette heure !
           
Tout chrétien est appelé à vivre l'heure de Jésus. Nous le ferons plus intensément et avec amour, dans les jours qui vont venir : le chrétien ne saurait se dispenser de faire mourir en lui ce qui s'oppose à la vraie vie. Son baptême l'engage dans un mystère de mort. "Nous sommes ensevelis avec le Christ", nous dit St Paul (Col 2.12).
Le disciple n'est pas au-dessus de son Maître. Il est voué à une mort physique, mais surtout à une certaine mort spirituelle qui se nomme le renoncement à soi-même en vue d'un don de nous-mêmes à Dieu et à nos frères : "Si le grain tombé en terre meurt, il donne beaucoup de fruits !" (Jn 12.24).

C'est ainsi que nous tendrons nous aussi vers la glorification : "l'heure est venue pour le Fils de l'Homme d'être glorifié".
C'est dans cette mesure qu'au jour de Pâques, nous serons unis au Christ, il vivra en nous ; nous lui serons semblables, et alors - nous en avons la certitude -, un jour, nous le verrons tel qu'il est, toute notre vie, vécue dans le Christ, ayant exprimé ce cri de St Thérèse : "je veux voir Dieu".

vendredi 16 mars 2018

Sagesse de Dieu, sagesse du monde


Carême 4 Vendredi -

Notre lecture d'aujourd'hui (Livre de "La Sagesse") est tirée d'un livre un peu particulier qui émane du milieu juif d'Alexandrie. C'est en ce milieu que la Bible hébraïque fut traduite en grec vers le 2e s. av. J.-C. On a appelé cette version grecque "La Septante" selon une légende - la légende d'Aristée - qu'il est inutile de relater ce soir !

Ce qui est à retenir, c'est que
- d'une part, les livres grecs de la Septante marquent indéniablement un progrès théologique antérieur au christianisme (la résurrection, par exemple).
- et d'autre part, curieusement, certains livres de cette version grecque (notre livre de "La Sagesse", par exemple) n'ont pas été retenus par la tradition hébraïque qui n'a pris sa forme définitive, il est vrais, qu'au 9e s. de notre ère.

L'Eglise, au contraire, n'a pas hésité à recueillir les textes de "La Septante" dans son registre des "Saintes Écritures". Ces livres sont donc à considérer comme inspirés tout comme ceux de la Bible hébraïque.

Je me permets de faire cette remarque, un peu impropre à une homélie, pour souligner que Dieu nous a parlé - "à plusieurs reprises et de bien des manières", comme dit la lettre aux Hébreux - tout au long des siècles (du 9ème s av. J-C. environ au 1er s. ap. J.-C.). Et cela de façon très pédagogique, les textes postérieurs venant toujours préciser, enrichir les textes antérieurs.

Et c'est l'ensemble qu'il faut toujours considérer, cet ensemble qui se récapitule dans le "Verbe de Dieu" fait chair, Jésus ! Dieu, finalement, "nous a parlé en son Fils qu'il a établi héritier de tout !" (Cf Heb 1.1).

Ceci dit, notre texte d'aujourd'hui peut être daté assez précisément. Il a été écrit à un moment (1ère moitié du 1er s. av. J.-C) où les juifs d’Alexandrie, sans être l’objet d’une persécution officielle, ont eu à subir des tracasseries, des vexations de toutes sortes.

On se demande alors si les "impies persécuteurs" dont il est question sont
- soit des païens qui persécutent les juifs. - Et les persécutions diverses, en certains pays, sont toujours d'actualité !
- soit - et plutôt - des juifs renégats, qui ont trahi leur foi, plus ou moins !
Et c'est toujours encore, malheureusement, d'actualité pour Juifs, Chrétiens ou autres...!
Car il arrive toujours que certains bénéficiaires des œuvres de l'Eglise, combattent, par la suite, cette Mère-Eglise facilement accusée alors de bien des maux, d'étroitesse, d'un refus systématique d'évolution soi-disant nécessaire pour le bien d'un pays, des hommes. Et que sais-je encore !

Les applications sont nombreuses en milieu social, médical, philosophique, etc. Et ces gens-là persécutent - souvent insidieusement - leurs frères et défient Dieu, comme dit le texte ! Ils veulent jouir et encore jouir de la vie, selon la "sagesse" du monde ! C'est leur seul but. Dieu vient bien après s'il n'est pas trop gênant !
Et l'enjeu du "combat" est bien précisé dans le texte : L’homme en effet, partout et toujours, ne supporte pas celui dont l’exemple et la parole invitent inexorablement ses contemporains à changer de mentalité, de vie, à se tourner vers l'amour de Dieu et l'amour de ses frères ! Même en temps de Carême !

Ecrit un siècle avant l’apparition du Christ, notre texte prend une valeur saisissante. Il décrit non seulement la "mort du juste", mais celle d’un "fils du Seigneur", d’un "fils de Dieu". Ce texte prend alors une extraordinaire plénitude de sens quand on le lit en pensant à la passion de Jésus, l'"Innocent" par excellence ! Mort mais ressuscité, chanterons-nous prochainement.

D'ailleurs, un des thèmes défendu par le livre de "La Sagesse", de façon plus ou moins voilée, c'est le thème de la réssurection de la chair, le thème d'une crtéation nouvelle !

Ainsi ce livre comprend des affirmations qui préparent le Nouveau Testament, comme celle-ci : "Oui, Dieu a créé l'homme pour l'incorruptibilité, il en a fait une image de sa propre nature !". (2.23).

Et souvent en ce livre, la "Sagesse divine" est personnifiée au point de fournir à St Paul et à St Jean des formules théologiques que l'on trouve notamment dans le lettre aux Colossiens.

En tous les cas, le livre décrit un combat incessant qui est mené entre païens et croyants.
Mais n'oublions pas pour autant que ce combat passe, très souvent, à l'intérieur de nous-mêmes. Nous sommes parfois nous-mêmes les persécuteurs de notre idéal chrétien, de notre foi, de notre adhésion au Christ ! - Que le Seigneur nous aide tout au long de ce Carême !

dimanche 4 mars 2018

Le Temple de Dieu !


3e Dimanche de Carême 18/B

Jésus, un doux ? Oui, mais un doux qui se fâche !
Voyez-le, au Temple, en ce matin de pèlerinage. Ce sont les fêtes pascales. Chacun est à ses dévotions, à la joie de la fête et des rencontres, aux abords du Temple et sur la vaste esplanade. Les pauvres achètent ; et également les plus fortunés. Les changeurs, eux, font des affaires.
             
Et voici que Jésus se fâche. Il saisit des cordes, en fait un fouet… Marchands et changeurs doivent déguerpir !      
Quelle violence ! Il est possible que les évangélistes en aient rajouté. Pourtant, de la part de Jean, cet ami si près du cœur de Jésus, cela paraît peu probable.

On a parfois atténué le scandale, en disant qu'il avait voulu seulement chasser les marchands : “Ne faites pas de la Maison de mon Père une maison de commerce !” Sans doute ! Mais les choses ne sont pas si simples. Ce négoce était indispensable au culte.

En réalité, Jésus attaquait un système religieux qui permettait à des hommes - disons : en toute bonne foi probablement - d'utiliser Dieu pour dominer et exploiter d’autres hommes. Il ne pouvait accepter que le Dieu qui avait libéré Israël soit asservi aux intérêts divers d’une caste même sacerdotale. Pour libérer les hommes, Jésus veut libérer Dieu si je puis dire.

Et cela, il le proclame dans une phrase assez subtile parce que apparemment démentielle : “Détruisez ce Temple et en trois jours je le relèvera”.   Détruire le Temple de Jérusalem ! Si aujourd’hui quelqu'un voulait détruire Notre-Dame de Paris, Lourdes ou Saint-Pierre de Rome, sa prétention ne serait pas aussi exorbitante, car pour les Juifs il n'y avait qu'un seul Temple !

Aussi, St Jean ajoute, de peur que ses lecteurs ne comprennent pas, eux non plus : “Le temple dont il parlait, c'était son corps”.
- Son corps, né du sein de Marie,
- son corps d'enfant et de charpentier,
- son corps qui avait parcouru les chemins et les bourgs de la Palestine,
- son corps qui allait souffrir la torture et mourir sur la Croix,
- son corps qui ressusciterait le troisième jour,
voilà le Temple nouveau, fait de vie et de travail, de joies et de luttes, de rencontres et de miracles, de souffrance et de mort, d'espérance..., et surtout d’amour !

Désormais il n'y aura plus d'autre Temple que ce corps !
Le temple sera fait de chair fragile.
Son corps..., Jésus, un autre jour, à la stupeur de tous, le propose comme nourriture pour la vraie Vie.
Et il allait bientôt l'offrir à ses compagnons en leur partageant le pain de la dernière Cène.
             
Pain, Corps, temple... Notre logique occidentale est déroutée. - Comment dire plus fort que désormais le chemin vers Dieu consiste à suivre Jésus, à s’unir à lui, et qu'il n'est plus besoin de Temple, ni de sacrifices d'animaux, ni de repas sacrés ?

St Paul l'avait bien compris, lui qui sillonnait sans bagages le monde gréco-romain, réunissant dans quelque maison ceux qui voulaient l'entendre parler de Jésus. On se rassemblait ici ou là, sans souci de lieu de culte.
             
Et d'Ephèse, capitale prestigieuse où l'on pouvait admirer le fameux Temple d'Artémis, l'une des sept merveilles du monde, l'apôtre Paul écrivait à la poignée de chrétiens qui se réunissaient à Corinthe : “Le Temple de Dieu ! C'est vous”.

Paul connaissait le Temple de Jérusalem et sa vaste esplanade que l'on admire encore aujourd'hui ; il avait vu le Temple d'Artémis à Ephèse et le Parthénon à Athènes. Il avait contemplé l'harmonie des temples grecs... et il avait l'audace de dire à une communauté déchirée déjà par la désunion et les mesquineries : “Le Temple de Dieu, c'est vous” !

Le Temple de Jésus est fait de “pierres vivantes”, dira St Pierre, à la suite de Jésus : “Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, Je suis au milieu d'eux”.
Il s'agit toujours de ce Corps du Christ qui grandit dans l'humanité si souvent opaque. C'est un temple de visages, de mains, de cœur et d'esprit, dont le ciment est toujours à refaire dans la rencontre, le partage, l’amour.

Avant d'être un bâtiment de pierres, l'Eglise est faite d'hommes. Certes, ne dédaignons pas ces symboles de foi et d'amour que sont les cathédrales, et jusqu'aux plus petites églises de nos campagnes. Mais ces joyaux de pierres ont besoin, à chaque génération, d'être vivifiés par les chrétiens. Sinon, de quel Dieu seraient-ils le signe ?

Le Temple de Jésus est vivant, lorsqu'une assemblée chrétienne est vivante.
Et ce Temple vit lorsque ces hommes et ces femmes laissent le ferment de l'évangile travailler leur vie.
Ce Temple, ici-bas, n'est jamais achevé.
Car le secret de son bâtisseur invisible, c'est le mot - toujours actuel et permanent - Pâques, Résurrection !