dimanche 29 avril 2018

Fils de la Résurrection


 5e Dimanche de Pâques 18/B -

“Je suis chrétien”, disait-on facilement au­trefois. On le chantait même. Et le Concile Vatican II nous a engagés à reconnaître cette "identité chrétienne" pour mieux en vivre.
         
Or, les trois lectures d'aujourd'hui nous décrivent les empreintes du chrétien, ce qui le caractérise :
-Il doit être sans cesse "émondé" comme un sarment pour porter de magnifiques fruits, dit Notre Seigneur.
- Ainsi, dit St Jean, il appartiendra à la vérité par des actes et non seulement par des discours, en aimant comme le Christ lui-même a aimé.
- Et fort de cet amour, il annoncera, comme Paul, la "Bonne Nouvelle" du Christ, avec assurance, avec hardiesse.
         
Bref, le chrétien éprouve un attachement vital au Christ par une foi vive et par un amour qui engage à témoigner. Voilà la carte d'identité du chrétien.
Ainsi St Paul se sait Apôtre ;
St Jean déclare que nous somme faits pour aimer.
Et pour cela, Jésus nous propose sa vie de Ressuscité.
         
Or, on ne peut annoncer le Christ, on ne peut aimer selon la vérité, ni se laisser travailler, purifier en vue des récoltes à venir, que si l'on a bien reconnu cette vie du Christ en nous : “Vous êtes, dit le Christ, les fils de la Résurrection”.
 Si - pour un quart, voire pour un dixième seulement - nous sachions reconnaître cette vie du Christ ressuscité en nous, il y aurait dans nos comportements une extraordinaire, une incalculable force explosive. -
Depuis notre bap­tême, il y a en chacun de nous un être chrétien dont la vocation est de ressembler au Christ, de servir comme lui, de témoigner de lui : "En Lui, par Lui, avec Lui".

La Résurrection du Christ doit nourrir constamment de ses énergies notre vie, de telle façon que, dans la joie ou dans la peine, nos mœurs soient toujours des mœurs de ressuscités. Cela, nous le croyons. Nous le disons dans notre "Credo", en confessant l'Esprit-Saint qui donne la vie. Mais contemplons nos visages : portent-ils quelque chose de cette lumière qui fit s'ouvrir les yeux des pèlerins d'Emmaüs ? Interrogeons nos actes, écou­tons nos propos ; est-ce qu'ils révèlent que nos cœurs sont brûlants parce que nous avons accepté que le Christ soit, à l'intime de nous-mêmes, notre compagnon de vie sur notre route d'Emmaüs ?
         
A chaque instant, nous devons réaliser cette identité chrétienne.
St Bernard invitait ses moines à se demander souvent, selon une vieille tradition : "Pourquoi es-tu là ? Qu'est-ce que tu fais là ?"
Il faudrait en ce moment - j'allais dire : d'ici la Pentecôte, pour la pré­parer, en imitant quelque peu les Apôtres rassemblés au Cénacle -, il faudrait non pas suspendre nos activités de toutes sortes, mais, ayant mis de côté celles qui sont secondaires, il faudrait nous interpeller : "Qui es-tu ? Fils de la Résurrection, est-ce bien là ton identité ?"
Pour sortir de l'inconsistance chrétienne où nous végétons souvent, il nous faut reprendre conscience de ce qui nous fait exister.

L'Evangile, dit-on parfois, n'apparaît plus aux yeux de beaucoup comme une "Bonne Nouvelle".
Il le deviendra dans la mesure où cette "Bonne Nouvelle" sera réellement la source, la joie, en même temps que l'interpellation permanente de nos propres vies.

Interpellation et pour nous-mêmes et pour les autres. C'est là une particularité de l'identité chrétienne que soulignait St Paul avec son assurance, sa hardiesse pour annoncer l'Evangile. Car le courage d'être ce que l'on est s'accompagne toujours et obligatoirement du cou­rage d'aider ses frères à se demander, à devenir ce qu'ils sont.
L'avez-vous remarqué ? Le premier geste des pèlerins d'Emmaüs, après qu'ils aient reconnu Jésus, a été (“à l'instant même”, précise St Luc) de rebrousser chemin pour crier aux onze Apôtres et à leurs familiers : “C'est vrai ! Le Seigneur est ressuscité !”.
L'"être chré­tien" se communique obligatoirement.
         
On emploie aujourd'hui un terme quelque peu bar­bare : on parle de "conscientiser". il s'agit par là de mettre les gens au fait de leur vraie situation de vie. N'est-ce pas le service qu'ont rendu aux Apôtres ces deux hommes qui venaient de découvrir que le Christ était vivant ? Ils les ont aidés à reconnaître, à prendre conscience qu'ils n'étaient pas des enfants perdus, ensevelis avec leur Maître dans le linceul du Vendredi-Saint, mais les pré­mices de l'Eglise sur qui allait passer le souffle de l'Esprit.
         
C'est évident : le moindre progrès dans l'attachement au Christ ressuscité suscite une plus grande attention aux autres.
Et, ce matin, je voudrais signaler une attitude à laquelle trop souvent nous ne pensons pas, et qui est peut-être à la base de toute action chrétienne. Pour aider ses frères à découvrir ce qu'ils sont, il faut d'abord porter sur eux un certain regard. Pour qu'ils prennent conscience de ce qu'ils sont, il faut avant toute parole, tout enseignement, prendre conscience et faire prendre conscience qu'ils existent en tant que chrétiens, “fils de la Résurrection”.
         
Et comme cela est rare ! N'avez-vous pas rencontré parfois des regards qui ne s'arrêtaient pas à vous, qui vous traversaient comme si vous n'étiez pas là. Comme sans intérêt, sans utilité. Qui donc est regardé pour ce qu'il est  ?
“Jésus, l'ayant regardé, l'aima”. Le jeune homme riche n'a pas totalement répondu à l'appel de ce regard. Du moins, par ce regard, fut-il révélé à lui-même.
Ima­ginons ce qui se passerait autour de nous si, connaissant enfin ce que nous sommes, nous saisissions en chacun de nos semblables ce qui fait pareillement son prix, pour maintenant et pour l'éternité.
Imaginons que nous ouvrions sur chacun ce que l'Apôtre Paul nomme “les yeux illuminés du cœur”. Que d'êtres, que de pauvres êtres (car nous souffrons tous de quelque pauvreté) commenceraient alors à exister.
On l’a dit (la philosophe Simone Weil) : l'amour qu'un tel regard produit, a le pouvoir de tirer quelqu'un de sa solitude, de son désespoir, du mépris dont il était entouré, de l'insignifiance à laquelle il se croyait condamné. Ce regard-là s'apparente au geste créateur de Dieu.

Peut-être nous demandera-t-on : "Pourquoi me regardez-vous ainsi ?" - Qu'on nous pose donc cette question. Elle sera la preuve que l'Evangile est devenu pour nous, en nous, la “Bonne Nouvelle”. -
 Pourquoi je vous regarde ainsi ? Parce que, c'est vrai, le Seigneur est re­suscité, et que nous sommes tous fils de la Résurrection.

dimanche 22 avril 2018

Le Berger


4e Dimanche de Pâques 18/B

Nous voici rassemblés pour répondre à l'appel de l'unique Berger. Par l'Eucharistie, nous allons célébrer sa mort et sa résurrection, ce mystère immense par lequel il a réconcilié les hommes avec Dieu, par lequel il fait Alliance entre le ciel et la terre.
             
Mais son œuvre doit être continuée et actualisée de génération en génération. Il le fait par ceux qu'il a choisis et par chaque baptisé. Aujourd'hui l'Eglise nous rappelle la mission particulière du prêtre au service de l'Evangile et des sacrements, et en particulier de l'Eucharistie. Mais chaque baptisé est invité, selon sa propre vocation, à prendre sa part avec eux, à cette annonce de l'Evangile.
Or toute vocation est un appel, une réponse et un envoi.

Et le premier Appelé, c'est Jésus-Christ. Car le premier Berger, ce n'est pas Jésus, c'est Dieu qui est Père.
Déjà dans l'Ancien Testament, Il se déclare le Berger d'Israël qui est son peuple, son troupeau. Il conduit ses brebis dans de verts pâturages. Jésus le nomme son Père.
C'est ce Dieu qui le choisit à son tour comme Berger : "Tu es mon Fils Bien-aimé ; sois le Pasteur de mon troupeau tout entier, afin qu'il n'y ait qu'un seul troupeau et qu'un seul Pasteur".
             
A cet appel du Père, à cette vocation, Jésus répond : "Me voici, je viens faire ta volonté". Avant de devenir Berger par rapport à son troupeau, Jésus est l'Agneau par rapport à son Père à qui il répond : "Me voici".  
Et n'est-il pas "envoyé" pour sauver le troupeau :"Voici l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde". Il donne sa vie pour ses brebis. Cette vie, dit-il, "nul la prend, c'est moi qui la donne". Comme l'Agneau pascal, il s'immole pour faire le don de son corps, de son sang, de sa personne.
             
On n'a pas suffisamment remarqué ce renversement, cette révolution, apportés par Jésus dans le sacrifice qu'il fait ainsi de sa vie pour son troupeau. En effet, comment d'ordinaire se comporte un Berger ? Il finit par tuer ses brebis pour les manger, car il est le Maître et il est le plus fort. C'est pourquoi l'homme a toujours tremblé devant le Dieu ou les dieux de son imagination. Il se sentait dès sa naissance condamné à l'abattoir, comme un agneau innocent qu'on a cherché plus ou moins à culpabiliser.
             
Jésus, lui, parle du loup, du mauvais berger qui vient pour égorger, voler, détruire, piller. "La raison du plus fort et toujours la meilleur", déclare La Fontaine, racontant l'histoire du Loup et de l'Agneau. Et delà vient l'angoisse des hommes devant la vie, devant le temps, face à la mort et face à Dieu.
             
Et voilà que Jésus nous révèle sa vocation de Bon Berger ; ce n'est pas de nous dévorer, mais de se laisser manger par ses brebis. "Je leur donne la vie éternelle, ma propre vie. Moi, le Bon Berger, je suis le Pain de Vie. Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et moi je le ressusciterai au dernier jour". C'est le monde renversé.

Jésus nous révèle ainsi qui est Dieu, premier Berger qu'il appelle son Père. Car il suffit de le regarder : "Qui me voit, voit le Père". Dieu est bon, il est le Bon Berger, Dieu est donneur de vie. Dieu est Résurrection. Dieu est Amour. Le Père et moi, nous sommes un.

Et à la suite de Jésus, il y a les autres appelés : Jésus, le premier Appelé, va devenir le premier Appelant : "Viens et suis-moi, tu seras Berger. Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est moi qui vous ai choisis".
             
Quand le Berger appelle, il ne devrait y avoir qu'une seule réponse possible : "Me voici, Seigneur". C'est la condition du véritable bonheur. Sinon, nous éprouverions ce que le jeune homme riche a ressenti : "Il s'en alla tout triste, car il avait de grands biens". Dieu propose toujours, mais c'est à moi de consentir librement.
Etre prêtre, en effet, c'est tout donner pour Dieu, pour le troupeau, pour l'Eglise, livrer son intelligence, son cœur, son temps, sa vie tout entière. Il ne peut être le loup qui dépouille les brebis et les dévore, ni le mercenaire, le salarié, qui tond le troupeau et l'abandonne au moindre danger. Oui, il faut prier pour les prêtres, vos prêtres, pour les jeunes en recherche afin que leur vie n'ait qu'un sens : vous dire avec Jésus et comme Lui : "Voilà mon corps livré pour vous, voilà mon sang répandu pour tous, sans exception".

Enfin l'Eglise est un Corps organique avec des membres différenciés : les diacres permanents, les Religieux, les Missionnaires, les Laïcs et leurs divers ministères : liturgie, catéchèse, action caritative auprès des malades, des pauvres, les mouvements, l'apostolat des milieux de vie...
Tous, par notre baptême et plus encore par notre confirmation, nous sommes des appelés. Chacun a sa vocation unique et irremplaçable. Regardez les divers éléments qui construisent cette église où nous sommes : tous ne peuvent être l'autel, ni la croix, ni la voûte, ni les vitraux, ni les fondations ; mais chacun, à sa place, est une pierre vivante.

Finalement, une seule question importe : Est-ce que dans l'Eglise et dans le monde qui nous attend, je viens pour servir ? Pour m'offrir ? Pour aimer ?

Brebis appelée par l'unique Berger, suis-je devenu moi-même berger pour mes frères ou loup redoutable, suivant ce vieil adage romain : "L'homme est un loup pour l'homme" ? Jésus, Lui, fut un Bon Berger qui s'est comporté comme l'Agneau livré : "Voici l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde" !

St Luc


Pâques 3 Vendredi

 On a dit que St Luc est un bon historien, celui de qui on attend une reproduction chronologique et topographique aussi fidèle que possible des évènements qu’il rapporte. Et c’est vrai ; n'a-t-il pas écrit dans le prologue de son évangile: "Après m’être informé exactement de tout depuis les origines, j’ai décidé d’en écrire un exposé suivi (Lc 1,3-4).

Le but de St Luc est donc de faire un exposé suivi. Et il le fait avec talent, préoccupé avant tout de dégager, en l’occurrence dans le récit des Actes, les lignes de forces des origines du christianisme :

Ainsi, Luc rappelle :
- De Jérusalem, l’Evangile se propage aux alentours, à la suite de la dispersion provoquée par la prédication et le martyre d’Etienne. A ce sujet, Luc note simplement la présence de Saul qui gardait les manteaux de ceux qui lapidaient Etienne et l ‘ardeur qu’il mettait à étouffer la prédication.

- Mais, il lui paraît encore prématuré de s'arrêter sur celui qui va jouer le rôle principal dans l’expansion universelle de la “Bonne Nouvelle“. Il juge opportun d’ouvrir une parenthèse sur la propagation de l’Evangile par le diacre Philippe, aux environs immédiats de Jérusalem, en Samarie et sur la route de Gaza (cf. les lectures précédentes).

- Cette parenthèse se ferme aujourd’hui et l’attention se concentre sur Paul et sa conversion sur la route de Damas. Cet évènement capital dans l’histoire de l’Eglise est relaté trois fois par St Luc. Il en reparle aux chapitres 22ème et 26ème. Il y a grand intérêt à confronter les trois récits entre eux ; concordants pour le fond, ils nous montrent aussi des divergences de détails qui s’expliquent de différentes façons... Aussi, les spécialistes prennent soin de dénouer les contradictions apparentes qui émergent du rapprochement de ces textes !

Pour nous, simples chrétiens, simples lecteurs de la Parole de Dieu, il vaut mieux consacrer son temps à admirer le talent avec lequel St Luc, à travers la complexité des événements, montre la progression de la prédication évangélique telle qu’il la perçoit. Il veut surtout montrer que DIEU SE REVELE A TRAVERS TOUTE L’HISTOIRE !  Et il le fait avec le recul du temps qui lui a permis de dégager les lignes de force des évènements en même temps que leur signification providentielle. Et ceci, à la lumière de toute l’histoire du peuple élu, à la lumière des Ecritures, comme Jésus avait appris à le faire aux disciples sur la route d’Emmaüs. St Luc avait bien retenu la leçon : “Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait“. C’est surtout ce talent “spirituel“ qu’il faut admirer chez St Luc, sans oublier celui de bon historien !

Cette réflexion est d’ailleurs valable pour tous les récits de la Bible où les auteurs inspirés ont pour principal souci de nous rapporter la signification providentielle des évènements qu’ils ont perçue avec le recul du temps, et cela avec l’aide de l’Esprit Saint qui mène vers la Vérité tout entière. Il faut lire la Bible sans trop s’embarrasser de questions scientifiques… pour mieux dégager la signification, à travers les événements, du dessein d’amour de Dieu à notre égard.

C’est cet art du narrateur qu’est Luc que nous sommes invités à admirer quand on lit son Evangile et les Actes des Apôtres, bien plus encore que la fidélité qu’il se soucie de garder à l’égard des faits qu’il rapporte.

- Aussitôt après avoir raconté la conversion de Saul de Tarses sur la route de Damas, Luc le mettra encore entre parenthèses pour rappeler que, dans l’Eglise qui se construit, c’est toujours et d’abord Pierre qui est le chef de l’Eglise ; et il parlera avec un art consommé de cette seconde Pentecôte qui a eu lieu pour les païens à Césarée Maritime avec la conversion du centurion Corneille.

Retenons de la lecture d’aujourd’hui que Paul de Tarses a véritablement rencontré la personne du Christ ressuscité. C’est de la réalité de cette rencontre qu’il tirera l’assurance et la force dans l’affirmation de sa qualité d’apôtre. Il se souviendra toujours de l'interrogation de Jésus :
Saul, pourquoi Me persécutes-tu ?
C’est souvent dans notre faiblesse, voire dans nos fautes que nous rencontrons la force du Ressuscité !

Et qu'a fait St Paul après son baptême ? Entre son baptême et son premier voyage apostolique, Il se passe une bonne dizaine d'années. A part un voyage à Jérusalem auprès des apôtres et un séjour en Arabie, on ne sait rien.
Qu'a-t-il donc fait ? J'imagine pour ma part que cet ancien disciple du célèbre Rabbin Gamaliel a suivi la recommandation de Jésus : Il a relu toutes les Ecritures pour s'apercevoir tout ce qui concernait le Ressuscité !
Un exemple à suivre.

samedi 7 avril 2018

La rencontre du Ressuscité !


2e Pâques 18/B

"C'est avec un grande force que les apôtres portaient témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus..." (1ère lecture).
"Tour homme qui croit que Jésus est le Christ, celui-là est vraiment né de Dieu". (2ème lecture).
"Heureux ceux qui croient sans avoir vu...!" (Evangile).


Il y a deux mille ans dans un petit jardin aux portes de Jérusalem s'est produit l'événement le plus important de l'Histoire...  ll est passé presque inaperçu aux historiens de l'époque,
tant il est vrai que les actualités les plus spectaculaires ne sont pas les plus décisives pour le destin du monde,
tant il est vrai que Dieu se manifeste, agit très souvent en silence.  

Aussi, les récits de la Résurrection appellent trois remarques :

1. Jésus ressuscité ne se montre qu'à ceux qui l'aiment.
Hérode, Caïphe et Pilate n'auront pas le privilège de le voir ressuscité. "Il se manifeste, comme le déclare St Pierre (Ac. 10/40), non pas à tout le peuple, mais aux témoins que Dieu avait choisis d'avance", c'est-à-dire à ceux que Dieu aiment et qui aiment Dieu, tel ce Thomas… qui, me semble-t-il, était plus questionneur que douteur ! Car Jésus aimait Thomas ; et Thomas aimait Jésus !

 2. On ne le reconnaît pas aussitôt.
C'est que la résurrection est l'inauguration d'un nouveau mode de présence de Jésus au milieu des siens, prémices d'un nouveau mode d'être, d'un nouvel état de la création..., de la rédemption.
C'est souvent le recueillement intérieur, le silence intérieur qui nous conduit à ce nouveau mode de présence du Christ.
Marie-Madeleine le prend d'abord pour un jardinier,
Pierre et les Apôtres pour un fantôme,
les disciples d'Emmaüs pour un voyageur attardé sur la route.
Thomas n'avait pas eu l'occasion de cette méprise… Aussi affiche-t-il plus naturellement son scepticisme.
La reconnaissance du Christ ne se fait qu'à partir d'un silence intérieur.

  3. On le reconnaît à un signe personnel. 
L'identité du Seigneur ressuscité se révèle, non par quelque trait général qui s'imposerait à tous, mais par un trait intime et particulier qui se lie en chacun au souvenir d'une rencontre antérieure. C'est une alliance personnelle.
             
Voilà ce que nous livrent les évangiles de la Résurrection.
Et depuis lors, notre rencontre avec le Christ ressuscité présente les mêmes caractères :

l. Il faut que nous l'aimions au moins obscurément pour qu'il se révèle.
On ne rencontre pas Jésus ressuscité
dans l'éclair fulgurant d'un mythe,
dans le cri des slogans à la mode,
dans l'exaltation d'une sensibilité vite émoussée,
ni même dans la recherche intellectuelle.
Nous ne le rencontrerons que dans l'amour. C'est l'amour qui guide et qui trouve. Ste Catherine de Sienne avait bien raison ; elle écrivait : "Notre amour est la mesure de notre foi ; et notre foi est la mesure de notre amour".
La foi, c'est
le face à face de Dieu avec chacun d'entre nous,
un face à face dans les ténèbres,
un face à face à l'état obscur dans l'attente de la lumière de gloire,
mais un face à face qui ne peut être ignoré et que l'on proclame : Dieu est là en Jésus Christ; il nous aime; et nous cherchons à l'aimer ! 
Puisque Dieu est amour, il ne peut être connu, reconnu que par et dans l'amour !

 2. Comme pour les premiers disciples, comme pour Marie-Madeleine, il se peut que nous ne le reconnaissions pas aussitôt, tant est discrète sa présence en nos vies, comme la présence de ceux qui aiment, qui se reconnaissent et communiquent sans se parler.
La foi est ordonnée à l'amour divin ; et cet amour réclame le silence, le recueillement intérieur.
Seul l'amour peut se nourrir de certains silences qui souvent disent plus que la parole. Et c'est alors que le Seigneur est reconnu.
Il nous faut admettre cette constante pédagogie divine : "Si Dieu aime à parler au cœur de l'homme, il n'est pas dans ses habitudes de bavarder avec lui" (Mgr Ghika).
Alors il nous faut du temps pour apprendre cette manière d'être du Seigneur.

 3. Enfin d'ordinaire, nous le reconnaîtrons nous aussi, non point par une preuve contraignante mais par un signe personnel que nous sommes libres d'accepter ou de refuser.    
Si nous sommes attentifs,
alors il nous appellera par notre nom comme Marie-Madeleine,
alors, il nous fera faire quelque pêche miraculeuse où nous devinerons sa mystérieuse présence,
alors, il nous rejoindra sur la route, restera dîner avec nous et - comme les disciples d'Emmaüs -, nos yeux s'ouvriront, nous le reconnaîtrons comme à la fraction du pain.

Oui, il y a deux mille ans dans un petit jardin, aux portes de Jérusalem, s'est produit l'événement le plus important de l'Histoire : le Christ ressuscité s'est manifesté à ses amis
qu'il aimait et qui l'aimaient,
en qui le silence intérieur a permis de discerner sa présence auprès d'eux,
par un signe personnel, particulier.
             
Depuis deux mille ans, le Christ ressuscité n'a pas changé sa façon de se révéler. Puisse le silence, à l'intérieur du jardin de nos cœurs, nous faire entendre son appel personnel, nous faire découvrir sa présence de plus en plus évidente parce que aimante.
             
Et nous irons alors proclamer avec tous les disciples du Seigneur : "C'est vrai, le Christ est vraiment ressuscité !". Il est apparu à Pierre ; et finalement il s'est fait voir à moi aussi.

C'est toujours ainsi que se manifeste la miséricorde aimante du Seigneur, même envers celui qui questionne..., même envers le pécheur..., mais questionneur, pécheur qui cherche, et qui en cherchant aime... !

mercredi 4 avril 2018

Herméneutique !!!


Octave de Pâques - Mercredi

La guérison de l’infirme se fait à l’entrée du temple, hors du temple. Il faut se rappeler que les infirmes n’entraient pas dans le temple d’après une loi qu’on trouve dans le Lévitique :
Lv 21,18 :  "Aucun homme ne doit s'approcher s'il a une infirmité, que ce soit un aveugle ou un boiteux, un homme défiguré ou déformé" !

Les aveugles et les boiteux sont particulièrement visés. Il faut se rappeler le récit de la prise de Jérusalem par David, racontée en 2 Samuel.
2 S 5,6-8 : "David avec ses gens marcha sur Jérusalem contre les Jébuséens qui habitaient le pays, et ceux-ci dirent à David : "Tu n'entreras pas ici ! Les aveugles et les boiteux t'en écarteront" c'est-à-dire : David n'entrera pas ici. Mais David s'empara de la forteresse de Sion ; c'est la Cité de David.  Ce jour-là, David dit : "Quiconque frappera les Jébuséens et montera par le canal...". Quant aux boiteux et aux aveugles, David les hait en son âme.  C'est pourquoi on dit : "Aveugle et boiteux n'entreront pas au Temple".  

Jésus contrevient à cette loi.
Mt 21,14.15b : "Il y eut aussi des aveugles et des boiteux qui s'approchèrent de lui dans le Temple, et il  les guérit… les grands prêtres et les scribes furent indignés ".

Quant à St Jean, il a retenu, parmi les 7 signes qui composent son Evangile, deux miracles opérés dans les deux piscines qui se trouvent l’une au nord et l’autre au sud du temple : Le boiteux de Bethesda et l’aveugle-né de Siloé qui, une fois guéris, entrent dans le temple qui leur était interdit tant qu’ils étaient atteints par leur infirmité.

Le miracle, que nous rapporte cette lecture, s’inscrit tellement dans l’iconographie première de Jérusalem qu’il serait dommage de ne pas rappeler la mutation qui s’opère dans le passage de l’Ancien au Nouveau Testament.

Dans l’Ancien Testament, les maladies et les infirmités sont un handicap dans le rapport avec Dieu.
Dans le Nouveau Testament, elles sont assumées par le Christ qui est venu guérir nos infirmités comme nos péchés ; et les miracles préfigurent la restauration totale de notre humanité dans le Royaume.

Le paralytique guéri par Pierre entre dans le temple en franchissant la Belle Porte : "d'un bond il fut debout, et il marchait.  Il entra avec eux dans le Temple, il marchait, bondissait et louait Dieu".  


L'évangile rapporte l'apparition de Jésus aux disciples d'Emmaüs !  Le célèbre Renan a dit que ce texte est le plus beau morceau de littérature qui n'ait jamais été écrit.

La présence de Jésus ressuscité est plus réelle que jamais ; mais elle n’est plus perceptible immédiatement comme elle l’était auparavant. On a déjà vu cela avec l’Evangile d’hier, en parlant de Marie Madeleine qui croit d’abord voir le gardien du jardin.

Cléophas et son compagnon partagent la mentalité courante du judaïsme de l’époque qui attend un Messie restaurant la Royauté Davidique et chassant l’occupant romain.

Jésus chemine un certain temps avec eux et leur donne l’occasion d’exprimer leur déception et leur scepticisme vis à vis du témoignage des femmes qu’ils considèrent comme des racontars de pure imagination. C’est une bonne chose de laisser les gens s’exprimer et prendre, par le fait même, du recul par rapport à leurs idées toutes faites. Prendre son temps, c’est la meilleure manière de préparer celui qui va écouter à accueillir le message qui lui est destiné.

Vient ensuite la grande leçon de la lecture chrétienne de la Bible.
Lc 24,25-27 : "Alors il leur dit : "O cœurs sans intelligence, lents à croire à tout ce qu'ont annoncé les Prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire ?"  Et, commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, il leur interpréta dans toutes les Écritures ce qui le concernait.". 

On parle beaucoup dans les cercles bibliques d’herméneutique et d’exégèse. Le mot "herméneutique" vient de ce texte :
"Il leur interpréta : "dièrmèneusen" en grec.
Il serait bon de rappeler l’origine chrétienne de cette "lectio divina" et des effets qu’elle produit : "Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et qu’il nous faisait comprendre les Ecritures ?".

On se préoccupe moins actuellement de savoir où se trouvait la maison de Cléophas. A Latrum ?, à Abou Gosh ?, ou autres lieux encore… ! 
Actuellement, quand on sort de Jérusalem vers l’ouest, on a compris que la route d’Emmaüs est d’abord et avant tout dans l’esprit de St Luc, une catéchèse eucharistique liant indissociablement la liturgie de la Parole et la fraction du Pain.

"Ils le reconnurent à la fraction du pain".

dimanche 1 avril 2018

Sainte fête de Pâques !


JOYEUSE ET SAINTE FÊTE de PÂQUES


En cette fête de Pâques, je me permets tout simplement de vous transmettre un "billet" du Cal Suhard , note que j'ai retrouvée...

LA GRÂCE DE PÂQUES

La grâce de Pâques est d'abord une grâce de résurrection et d'espoir.
Qui la possède peut être éprouvé. Il peut souffrir. Il n'est jamais un découragé, un désespéré. Ses forces se renouvellent à mesure qu'elles s'usent. Une force s'affirme dans sa faiblesse (2 Co 12). Dans cette force, il puise chaque jour un renouveau.

La grâce de Pâques est une grâce d'énergie face à l'obstacle et à la souffrance.
C'est avec les cicatrices de sa Passion que le divin Ressuscité aimait à se montrer à ses Apôtres et à ses familiers dans les jours qui précédèrent son Ascension.

La grâce de Pâques est une grâce de charité universelle.
Jésus ressuscité n'a haï personne. Il a aimé tous les hommes. Il est mort pour tous.

Ressuscité, il est resté parmi eux pour leur enseigner à s'aimer entre eux.
Qui veut lui rester uni doit aimer son prochain.
Jésus ressuscité veut étendre sa famille à toute la terre, sans distinction de caste, de nation, de provenance...
Qui veut participer à son œ œuvre, doit développer en soi et autour de soi la chanté".

Cardinal Emmanuel Suhard - 19 mars 1937, à Reims
Né le 5 avril 1874 à Brains ( Mayenne), le Cardinal Suhard était profondément bon et humble. Véritable ami des humbles et des petits.
Evêque de Bayeux et Lisieux de 1928 à 1930, Archevêque de Reims, de 1930 à 1940, nommé Cardinal en 1935, puis Archevêque de Paris le 8 mai 1940.